Par Mustang - 26-08-2017 23:10:56 - 3 commentaires
Destin
Ce samedi de fin août, c’est la reprise au niveau des courses locales. Certes, ce sont des courses au saucisson mais ô combien sympathiques. Le tendon toujours en délicatesse, je me contenterai d’assurer un reportage photos pour www.normandiecourseapied.com pour lequel je suis photographe bénévole. Donc, direction Vignats, aux confins de l’Orne et du Calvados pour couvrir les Foulées de la grotte à Jules. Voilà bien un nom qui vous transporte ! Le Lutin que j’avais entrainé dans ce lieu improbable y a raconté un récit à sa façon ! Mon épouse m’accompagne ; elle aussi adore les ambiances de course !
Arrivé 15 min avant le départ, je me renseigne sur le sens de cette course de 10,3 km en 2 boucles sans difficultés sauf un méchant trou qu’il faut remonter. Depuis que je connais cette course en tant que coureur, il y fait toujours très chaud. Aujourd’hui, la température est de 25°, c’est raisonnable mais il fait lourd comme on dit par chez moi. Je me dirige vers l’entrée du seul chemin que les coureurs emprunteront, chemin orienté pour avoir le soleil dans le dos comme il se doit ! Un bénévole est à l’entrée du chemin. Je lui demande la permission de me garer un peu plus loin en lui expliquant ma venue. De suite, il me précise que lui, qui a fait l’Indochine et le djebel, on lui demande de mettre sa voiture en travers de la route pour faire barrage à toute tentative d’attentat ! Ici, en pleine cambrousse ! Je lui explique que pour moi aussi, organisateur de 3 courses à venir à Alençon, la préfecture nous demande la même chose, camions pour sécuriser les points de rassemblements et véhicules des bénévoles pour barrer les rues d’Alençon ! Mais ici, dans la plaine de Falaise, la guerre, c’était en 1944, pas en 2017 !
Je gare la voiture en bordure de route et nous revenons vers lui. C’est un vieux monsieur mais bien alerte et l’œil pétillant. Il a 85 ans ! Il a revêtu comme se doit tout signaleur la chasuble jaune. Il a envie de parler. Nous avons du temps pour discuter. De suite, il nous parle de son épouse, de 9 ans plus jeune, atteinte de la maladie d’Alzheimer ! Il nous précise qu’elle a « une poche » depuis l’âge de 61 ans. Il l’a laissé seule ; il habite non loin d’ici. Elle n’aime pas la compagnie. « De toute façon, si elle a besoin de lui, elle sait où il est ! C’est comme ça ! ». Nous lui demandons s’il a des aides pour les tâches matérielles, lui indiquons que des associations prennent pour une journée ces patients pour permettre au conjoint d’avoir du temps à lui. « « Pfutt, non, elle n’aime pas les inconnus, elle préfère rester seule ! ». A priori, elle reçoit cependant quelques visites par semaine. Nous n’en saurons pas plus. C’est alors qu’il nous parle du destin qui les a frappés sans ménagement. Leur fille est morte à l’âge de 8 mois et c’est « elle » qui l’a ramenée à la maison, nous précise-t-il. Leur fils s’est suicidé à l’âge de 19 ans pour dépression. Nous sommes atterrés. Et il continue en nous annonçant que son frère et sa sœur sont morts d’un cancer. « C’est comme ça, la vie ! ». Que dire après cela ?
Nous nous éloignons sur le chemin poussiéreux vers le spot que j’ai repéré. Préparer mon appareil photo et les réglages oblitère ce que je viens d’entendre. Il fait beau sans trop de chaleur. Une légère brise parcours la plaine. Je me poste non loin d’une haie bordant un herbage où paissent quelques vaches. La lumière est bonne, la perspective dégagée par le chemin et la haie vont donner du sens aux photos que je vais prendre. D’ici quelques minutes, les coureurs ne vont pas tarder. Pendant plus d’une heure, je vais les photographier. Plus de 1000 clichés et ce n’est qu’une petite course ! Ce soir, à la maison, je vais les trier. Ce n’est que sur l’écran de l’ordinateur que je verrai pour nombre d’entre eux, sur leur visage, la souffrance de l’effort, saisie en gros plan.
A la fin, nous retournons vers notre voiture. Le vieux monsieur nous a attendus pour nous dire au revoir. Il sourit, il a passé un bon moment. Il sourit !
Par Mustang - 23-08-2017 00:07:53 - 7 commentaires
Retrouvailles
Voilà près d’un an que je l’avais délaissé, mon VTT Scott ! Un an à rester accroché à son support dans le garage ! Certes, je l’avais prêté à un jeune du club pour quelques sorties en forêt, mais avec moi, rien ! Pourtant, avec celui-là, j’en ai fait de belles sorties, voilà déjà des années. Il avait succédé à un Lapierre, excellent lui aussi. Mais voilà, les circonstances ont fait que j’ai préféré la route depuis quelques années avec un autre Scott, un très bon routier. L’âge avançant, je me sentais moins vaillant sur un VTT. Certes, un coude, un poignet, un sternum et quelques côtes fracturées m’ont rendu moins hardi sur les sentiers.
Ce mardi d’août, il fait très beau ! Un tendon d’Achille un peu délicat me prive de courir. Passé 62 ans, je me sens toujours en forme pour l’exercice physique ! Bien sûr, je ne suis plus à la recherche de la performance ! Mais bouger m’est indispensable. Je repense quelquefois à tout ce que j’ai accompli en course autrefois ; ce fut une formidable aventure qui m’a fait aller à la rencontre des autres et de moi-même. J’ai lu sur le blog de Kikouroù que certains âgés de 50 ans se désespéraient de ne plus pouvoir courir, de ne plus être performants, d’être handicapés par telle ou telle blessure. Oui, au fur et à mesure que l’âge avance, il faut accepter les défaillances de son corps, mais tant qu’on peut bouger, tant qu’on peut bouger, il reste tant de choses à faire ! C’est peut-être un passé glorieux qui permet d’avancer, autrement, plus fort, plus déterminé. Ne pas renoncer, ne pas abandonner !
Alors, ce matin, j’ai retiré les pédales automatiques pour mettre des pédales normales, changé une chambre à air, graissé par-ci, par-là. J’ai attendu un peu, hésitant, comme l’autre jour en Vanoise avant de me lancer dans une via ferrata avec les jeunes ! J’ai vraiment attendu… Il faisait si beau. Je suis monté sur mon Scott, tout surpris de retrouver sa souplesse, pour ne pas dire son élasticité, habitué à la rigidité du cadre route !
J’ai l’itinéraire en tête, rien de compliqué mais un beau parcours en perspective cependant. Sur les premiers hectomètres, sur une sente du village, je me refamiliarise avec le passage des vitesses, différent de mon troisième Scott, celui qui me sert pour vadrouiller en ville ! Je suis heureux de sentir cette monture souple sous moi. A la sortie du village, j’emprunte un itinéraire qui va me conduire en forêt d’Ecouves, composé de trois chemins bien différents. D’abord un chemin très étroit bordé de haies, caillouteux à souhait, puis un passage en plaine ouverte, et à nouveau un chemin bordé de haies, mais plus large. Le premier est coupé par un ruisseau à sec, passage que je sais délicat à négocier car suivi de racines saillantes et de pierres. Raté, je suis obligé de mettre pied à terre car je suis trop descendu dans mes vitesses et plus d’accroche pour négocier la difficulté. Je repars et reprends contact avec la réalité d’un méchant chemin caillouteux qui s’obstine à me faire dévier du droit chemin ! Je commence à retrouver des réflexes de pilotage. Le passage dans la plaine ouverte est sans difficulté, simplement le plaisir de rouler dans un chemin herbeux.
J’arrive dans un faubourg de Radon, la petite route qui mène en forêt est droit dans le pentu ! J’apprécie le triple plateau ! Une fois en forêt, j’oblique à gauche vers une sommière large. Elle monte insidieusement ; après un virage, la pente se relève. Je mets pied à terre. Autrefois, je restais en selle. Et alors ! Vingt mètres à pied puis je remonte sur le vélo pour atteindre le sommet. Je prends à droite une sente étroite dont toutes les imperfections se transmettent dans mes bras et mon dos par la suspension du VTT. Je jubile de ressentir à nouveau ses tressautements. Je continue à grimper par un sentier traversé de racines plus ou moins saillantes. C’est un chemin que je connais parfaitement. Là encore, je retrouve ce plaisir de choisir ma voie en fonction des difficultés du terrain. Un épaulement du terrain me fait remettre pied à terre. Cela va me permettre aussi de retrouver mon souffle. Je traverse le chemin de la Messe pour continuer vers l’Ouest par un chemin ludique. Il grimpe doucement pour descendre rapidement vers un petit marigot, à sec en cette saison. Certes, je ne vais pas le dévaler à fond mais avec de bonnes sensations en jouant des freins pour négocier le passage de racines ou de petits rochers.
A un croisement, j’aperçois un traileur mais je continue mon chemin, j’ai repris de l’assurance et négocie la prochaine côte sans problème. La forêt est magnifique. Je me sens particulièrement privilégier d’évoluer seul dans cet univers serein. Une nouvelle sommière puis un chemin torturé par les forestiers pour amorcer un retour vers Radon. Quelques petites difficultés que je suis heureux de passer sans problème parsèment ce parcours. Je croise la route du champ de tir pour retrouver un chemin qui va m’amener dans une longue descente très technique. Ce sera un peu à la pépère ! Un long chemin transversal, un petit passage technique et je descends par le chemin des Chèvres. Je quitte la pénombre de la forêt pour retrouver la lumière d’été qui inonde les prés bordant un chemin campagnard. Le retour se fera par le parcours de l’aller. Cette fois, je négocierai le passage du ruisseau correctement ; à chacun ses victoires ! Seules, les ronces se vengeront en s’accrochant à mes bras, provocant des saignements impressionnants, étant sous anticoagulant !
Je rentre sur Damigny dans un état euphorique, heureux d’avoir retrouvé des sensations que je croyais disparues. Certes, ce fut un petit parcours de 25 km en 2 heures ; qu’importe, le plaisir a été total ! Je raccroche mon VTT en passant ma main sur le cadre, comme j’aurais pu le faire dimanche dernier à Deauville sur l’encolure d’un cheval !
Demain, c’est chimio, car l’autre n’abandonne pas, loin de là ! Mais, jeudi, hum, une sortie VTT serait bien à l’ordre du jour !