Par Mustang - 27-02-2010 22:00:27 - 5 commentaires
L’éternité de la nuit
Pour Thomas l’africain
Curieusement, c’est en vélo qu’ont eu lieu mes premières pérégrinations nocturnes ! C’était voilà bien longtemps déjà dans le Perche. Avec un ami, nous avions pris l’habitude d’effectuer des sorties en vélo sur les petites routes et chemins du Perche, la nuit venue. Rien d’extraordinaire jusque là ! Seulement, ces sorties se déroulaient sans éclairage, avec seulement la lumière d’une pleine lune ! Nous y trouvions une sorte d’ivresse avec tous les sens en alerte !
En arrivant sur Alençon, il fallut changer de terrain de jeu. Ce fut la forêt d’Ecouves. Certes, une bien belle forêt mais un peu brouillon. Trop habitué à la grande classe de celles du Perche, je mis un certain temps à la connaître et à l’accepter telle qu’elle était. Très rapidement, j’appris sa géographie, tout au moins dans les grandes lignes. Alors, aux beaux jours et les nuits de pleine lune, nous reprîmes les raids nocturnes vers la forêt d’Ecouves ou quelquefois même vers celle de Multonne en passant par des chemins et en coupant par les champs moissonnés où nous surprenions quelque goupil en maraude . Nous y entraînions des amis. Ce fut de grands moments de fou-rire et d’émotion, comme cette fois où je suivais à vive allure en descendant une sommière un copain quand je vis ce dernier s’envolait. Dans une fraction de seconde, j’aperçus la barrière de bois qu’il avait heurtée ! Je n’eus de ressource que de me coucher pour passer dessous ! Il n’y eut pas de gros bobos !!! Une autre fois, seul avec un ami, toujours de nuit et sans éclairage, dans une petite sente, nous sommes tombés sur une harde de sangliers. L’odeur était forte. Il y eut force grognements mais nous pûmes continuer sans plus de désagrément notre périple. J’adorais appréhender le terrain que je connaissais plus ou moins, uniquement par les vibrations du vélo.
Dans le même temps, des clubs commencèrent à organiser dans la région les premières sorties organisées VTT mais avec éclairage ! Plus sagement, je m’équipais en lumière ! Les premières frontales avec des petites ampoules qui nous gratifiaient de quelques lumens ! Ainsi je participais à la première sortie VTT nocturne organisée à St-Didier-sous-Ecouves. Avec le copain, enthousiasmés par la première partie, nous nous engageâmes dans la seconde boucle. Hélas, l’autonomie de nos lampes étant de courte durée, nous fûmes contraints de continuer dans le noir ! Ce fut une bien belle galère pour achever cette boucle en terrain inconnu. Quoiqu’il en soit, je suis resté fidèle à cette sortie, et chaque année début septembre j’y participe avec plaisir.
La pratique du VTT ayant ouvert la voie, j’incitais mes copains coureurs à se lancer à des sorties nocturnes ! Oh, elles ne furent pas nombreuses, seulement motivées pour les préparations UTMB. Auparavant, j’avais eu un avant-goût de ce que pouvait être une sortie nocturne avec le départ des Templiers en 2002. Je garde le souvenir du départ et de ce long ruban lumineux qui se déroulait sur les Causses. Certes, le jour vint rapidement et le charme fut rompu.
La préparation de l’UTMB 2006 imposa un entraînement nocturne sérieux. Les équipementiers ayant senti le vent venir, commençaient à proposer des frontales beaucoup plus performantes avec des leds. Cependant, ma première grande compétition nocturne se déroula le long du golfe du Morbihan, le 1er juillet. Un mois après Guerlédan où j’avais bien tourné, j’abordais un gros ultra. Certes, le dénivelé était faible mais il fallait tout de même gérer les 85 km du parcours. J’étais venu seul pour ce périple ! Le départ avait lieu le soir à 18 h à vannes. La chaleur de ce premier jour de juillet était intense. Je partis sans trop de repère. La nuit, bien sûr, fut longue à venir. Je me souviens des clameurs que j’entendais dans le crépuscule. Il ne s’agissait pas de spectateurs enthousiastes au passage des coureurs mais simplement l’accompagnement sonore local des buts français contre le Brésil dans la Coupe du Monde ! La chaleur était restée accablante même au cœur de la nuit. La magie du parcours ne fut tangible que lorsque le parcours nous fit revenir le long de la mer. Les odeurs fortes, les lumières, le bruit du ressac me comblaient même si j’étais pris dans la course car à ce moment je suivais deux jeunes locaux qui avaient un rythme certain ! Après le ravitaillement de Kerbadec, je repartis seul très vite rejoint par un autre jeune qui m’entraîna à un rythme encore plus soutenu. C’est lui qui m’annonça que nous étions dans les 15 premiers ! Je n’en revins pas. Mais il allait trop vite pour moi, je le laissai filer dans la nuit. Je continuai seul dans la nuit bretonne. Cela me convenait mieux même si je pestais quand je ne trouvais pas mon chemin sur les plages. Malgré l’heure tardive, je croisais des noctambules ! Ce fut une belle nuit d’été, magnifiée par ma performance !
Quinze jours après, j’étais avec mes amis en Ecouves pour une sortie nocturne. Je m’étonnais des réflexes que nous avions acquis pour courir ainsi dans les sentiers. Quasiment jamais, nous ne trébuchâmes. Nous étions équipés avec camel-back et bâtons. J’avais les miens accrochés sur mon sac. Je me souviens de la peur que nous occasionnâmes à des jeunes qui fêtaient à leur manière le 14 juillet lorsque nous arrivâmes vers minuit à la Croix-Médavy. Une autre sortie eut lieu par une nuit orageuse. La nuit et l’orage, une bien belle combinaison, surtout lorsqu’on est dehors ! Sortir en entraînement, le faire lors d’une compétition, c’est tout autre ! La suivante fut donc l’UTMB.
Qu’en reste-t-il ? Les belles images : les sommets rougissants dans le crépuscule, la traversée de St-Gervais dans une ambiance euphorisante, le serpent lumineux à l’assaut du Col de la Croix-Bonhomme ! Pour le reste, ce fut la seconde nuit. Malgré la fatigue, la souffrance, les désillusions, je me revois repartir sous la pluie drue dans la nuit noire, seul après La Fouly. Je pense que seule la nuit, malgré les conditions terribles, m’a permis de continuer, me mettant dans une sorte de bulle, gommant mes repères, abolissant en quelque sorte le temps ! Mais aussi l’espace ! Que ce soit en montant vers Champex ou dans Bovines, je ne savais plus ce que je voyais était au-dessus de moi ou en-dessous ! Les images fortes demeurent comme celles de la salle de soin à Trient vers 5h du matin ! Mais la tension était vraiment trop forte pour apprécier la nuit alpine. Déçu, sans doute. Mais je ne renonçais pas !
Trois mois plus tard, j’étais au trail des 5 moulins à Mondeville, trail qui se terminait à la nuit tombante ! Les organisateurs avaient eu la bonne idée de marquer la piste dans les bois par de petites lucioles. J’avais beaucoup aimé cette idée de finir à la nuit, de continuer une course raisonnable en changeant de dimension. Cependant, mes plus grands souvenirs nocturnes sont pour les deux relais dans le cadre de la Megatoff d’Ultrafondus en 2008 et en 2009.
En 2008, nous partions de Sées à minuit pour rallier la Bazoge, près du Mans, 75 km plus loin ! Là, pas d’enjeu, juste le plaisir de dérouler. Nous avions d’abord traversé la forêt avec un épisode cocasse avec la gendarmerie en patrouille, puis la ville d’Alençon où la majeure partie du groupe s’arrêta. Il était pourtant près de deux heures du matin mais ma grande fille m’attendait pour me faire un bisou !!!Je continuai avec –loulou- et Yannick qui nous avait rejoints. Notre allure tournait autour de 10 km/h. L’atmosphère était sereine, pas de contrainte, juste le plaisir d’avancer dans la campagne sarthoise. Les arrêts furent nombreux afin de nous retrouver dans le dédale des petites routes. Pas de rencontres surprenantes dans cette seconde partie du raid, nous cheminions simplement sous la pluie tout en bavardant. Malgré le temps couvert, l’horizon vers l’est commença à blanchir. C’est le meilleur moment. Les formes sont encore diffuses, les oiseaux chantent. Une réelle impression de matin du monde quand le jour se lève, d’arriver au bout d’un voyage avec un grand sentiment d’exaltation.
J’ai remis ça en 2009 uniquement avec –loulou-, le fidèle qui n’a pas voulu me laisser partir seul alors qu’il avait une forme plutôt moyenne, entre Ecouché et le petit village de Planches pour 45 km. Courir de nuit sur les terres de mon enfance ! Chaque mètre m’est évocateur ! Jamais je n’aurais pensé aborder mon village natal en venant à pied et de surcroit au cœur de la nuit. J’y croisai tous les fantômes de mon enfance ! Nous continuâmes notre chemin. J’avais vraiment l’impression de courir dans une autre dimension. Est-ce dû aux sens exacerbés par l’obscurité ? Sans doute. Juste cette façon de percevoir le monde autrement. A la fois apaisant et troublant, comme si c’était plus facile. Nous arrivâmes avant l’aube.
Que dire ensuite des quêtes nocturnes dans la baie d’Avranches ? La course des Pèlerins demeure également un grand moment. Alors que la première en 2008 fut placée sous le signe de la bonne humeur, la seconde en novembre 2009 fut plus sérieuse, avec un vrai sentiment de compétition. La tension était palpable. L’image la plus forte demeure celle vers 6h du matin dans les marais lorsque nous dûmes abandonnés. Je m’étais placé en avant, puis sentant quelque chose, j’étais retourné vers eux, mes amis abattus pataugeant dans l’eau et les herbus. Cependant, avant de rentrer, GGO et moi allâmes chercher une dernière balise en bout de la piste de l’aérodrome. Puis, il fallut rentrer.
Ma dernière vraie sortie nocturne est pour la Saintélyon de décembre dernier. Que dire ? J’étais bien. Là, pas une simple ligne lumineuse parmi les monts du Lyonnais, mais une vraie rivière lumineuse. Et puis, la vallée du Rhône ! Lyon ! Même la souffrance se fait oublier. J’ai cette faculté de ne pas être gagné par le sommeil ! Au contraire ! Et puis, n’y a-t-il pas de plus troublant que d’arriver au petit matin dans une ville qui se réveille en venant de l’autre bout de la nuit ?
Par Mustang - 19-02-2010 22:30:03 - 4 commentaires
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Le Raidlight trail trophy (42) du 28 janvier 2007
2006
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L'Ultra Trail du Mont-Blanc (74) du 25-26 août 2006
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Le trail de Guerlédan (22) du 4 juin 2006
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2005
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Par Mustang - 10-02-2010 20:44:39 - 15 commentaires
La mort du chien
Il est assis sur la banquette arrière de la voiture, retenu par une laisse fixée à l’attache de la ceinture de sécurité. Sa respiration est difficile à cause de la tumeur cancéreuse qui obstrue sa gorge cependant il a gardé sa vivacité, son air un peu fou qui le rendait à la fois insupportable et attachant. Il regarde le paysage défiler par la vitre latérale. Je roule prudemment sur l’avenue enneigée qui conduit à la sortie de la ville. Au dernier rond-point, je tourne à gauche. Quelques centaines de mètres plus loin, je me gare sur le parking de la clinique vétérinaire. Il n’est pas encore 14 h, je suis en avance. J’attends donc dans la voiture. Le chien est calme, sa respiration est toujours aussi difficile. Tout à l’heure, il y a eu les adieux. Ils furent brefs. Ma mère n’a pas pleuré ou si peu, pas comme l’autre jour au téléphone lorsqu’elle m’a annoncé l’état du chien. J’attends. Je ne pense pas ou, tout au moins, j’évite de me projeter d’une seule seconde dans le futur. Je subis simplement les événements, aussi insupportable qu’ils soient. J’accomplis simplement ce qu’on m’a demandé de faire. C’est tout aussi insupportable. Ne pas penser, ne pas anticiper d’une seule seconde. C’est comme être étranger à soi-même. Voilà, il est 14 heures. Le personnel de la clinique arrive. Je sors de la voiture et ouvre la portière arrière. Le chien me regarde. Inquiet. Je libère la laisse et je saisis l’animal dans les bras. Il s’agite un peu. Ses yeux sont injectés de sang. Je resserre mon étreinte sur lui afin de mieux prendre le carnet de santé du chien posé sur la banquette. Je me dirige vers la clinique. J’ouvre la porte et pénètre dans le hall d’accueil. Je m’avance vers le comptoir. Derrière et sur le côté, des étagères garnies de produits vétérinaires et d’aliments pour animaux masquent les murs. Je suis attendu. L’assistant me conduit dans le cabinet du vétérinaire. Pas d’odeur particulière. Je dépose le chien sur la table d’examen. Lui d’habitude si exubérant est étrangement calme. Il reste campé sur ses quatre pattes. Debout. Le vétérinaire me parle de l’état du chien. Il me fait part de son étonnement face à l’évolution rapide de la tumeur. Tout en l’écoutant, je caresse le dos du chien. Comme pour me donner bonne conscience. Comme pour m’excuser auprès du chien. Dans un geste hypocrite. Le vétérinaire prépare son matériel. Rapidement, il pose une voie sur la patte antérieure droite du chien qui ne bronche pas. C’est tout juste si la bête n’a pas tendu sa patte comme pour… L’assistant occulte la fenêtre qui donne sur le parking en déroulant un store à lamelles. Le praticien saisit un flacon de verre rempli qu’un liquide rouge et en prélève une quantité avec une seringue. Prestement, il positionne l’aiguille sur la voie. Il pousse le piston de la seringue. Personne ne parle. Dans l’instant, l’animal s’écroule sans un cri, sans un soubresaut J’accompagne sa chute sur la table d’examen. Je continue à caresser son poitrail. Est-il endormi ou mort ? Etait-ce une piqûre pour endormir avant d’effectuer l’injection fatale ? Je n’ose demander. Le vétérinaire me parle de l’évolution de la tumeur du chien. D’un geste précis, il ouvre la gueule du chien et me fait voir l’intérieur de sa gorge. La vision d’une horreur noirâtre. L’animal est étendu sur le côté. Je passe toujours ma main sur son corps chaud. Je me décide enfin à retirer son collier. Difficilement. Mon regard est attiré par un frémissement de sa babine. Ce frémissement se reproduit à plusieurs moments. Un simple résidu d’une parcelle de vie. Un réflexe comme la grenouille étêtée en cours de biologie au lycée. C’est fini. Si simplement. Je quitte la salle. Je signe des papiers pour l’incinération. Je règle les frais. Je regagne ma voiture.
Dans un peu plus de deux heures, près de deux cent mille Haïtiens vont mourir dans un tremblement de terre.
Par Mustang - 03-02-2010 16:25:02 - 5 commentaires
Au nom du père
Voilà déjà bien longtemps que le livre de Paul Théroux, The mosquito coast, à la suite du jeune Charlie et de son père Allie, m’avait entraîné dans une formidable aventure picaresque sur une côte hondurienne. Le regard de cet enfant sur la folie destructrice de son père qui s’était mis en tête d’entraîner sa famille vivre dans la jungle et de construire une usine à glace m’avait bouleversé.
Ce n’est que récemment avec le livre de Cormac McCarthy, The Road, que j’ai retrouvé un rapport aussi intense entre un père et un fils, mais là, à l’unisson, dans une lutte pour survivre. A la luxuriance du langage de Théroux, à l’image de la jungle, succédait la froideur et le dépouillement, tant dans l’écriture que dans la description des personnages et du monde post atomique dans lequel ils évoluaient. Cependant, dans ce roman, le lecteur ne peut qu’imaginer les sentiments qu’animent les héros. Rien ou si peu en est dit !
Puis voilà, je viens de lire le dernier roman de David Vann, Sukkwan island ! Un père et son jeune fils partis vivre seuls sur une côté glacée de l’Alaska. Cependant, ce père est faible, égoïste. Le séjour tourne au naufrage, jusqu’à l’inouï. J’avoue avoir été sonné par l’événement fulgurant, improbable, qui clôt la première partie du livre. J’ai parcouru la seconde partie avec la nausée. Un livre à la fois glaçant et brûlant. Insupportable?
Trois livres, trois destins.
Paul Théroux, The mosquito coast ( La côte des moustiques) - Calmann-levy (1983)
Cormac McCarthy, The road ( La route) - Editions de l’Olivier (2008)
David Vann, Sukkwann island - Gallmeister (2009)