Par Mustang - 09-02-2018 17:54:53 - 4 commentaires
Déjà l'autre jour, à la sortie dominicale en forêt avec le Lutin et les copines, j'avais retrouvé goût à fouler les chemins bien boueux de l'Ecouvie. Si bien que dans la semaine, je montais à Médavy, non pas par la route mais par "mon"chemin, droit dans le pentu ! J'avais bien galéré dans la boue mais heureux d'avoir osé revenir sur ce parcours que j'empruntais si souvent "autrefois" !
Ce vendredi, il a neigé sur Alençon. Et cet après-midi, le soleil donne. Je suis un peu désoeuvré entre deux championnat de France. Ni une, ni deux, j'enfile les runnings et direction l'Ecouvie pour une petite sortie en solitaire dans les chemins et les singles tracks enneigés.
Certes ça grimpe, c'est très malaisé de courir mais le plaisir est là. Je suis seul dans la forêt, j'aime cette solitude.
Ce sera une petite sortie d'une heure. Je finis les pieds gelés mais la tête pleine de superbes sensations !
Par Mustang - 23-08-2017 00:07:53 - 7 commentaires
Retrouvailles
Voilà près d’un an que je l’avais délaissé, mon VTT Scott ! Un an à rester accroché à son support dans le garage ! Certes, je l’avais prêté à un jeune du club pour quelques sorties en forêt, mais avec moi, rien ! Pourtant, avec celui-là, j’en ai fait de belles sorties, voilà déjà des années. Il avait succédé à un Lapierre, excellent lui aussi. Mais voilà, les circonstances ont fait que j’ai préféré la route depuis quelques années avec un autre Scott, un très bon routier. L’âge avançant, je me sentais moins vaillant sur un VTT. Certes, un coude, un poignet, un sternum et quelques côtes fracturées m’ont rendu moins hardi sur les sentiers.
Ce mardi d’août, il fait très beau ! Un tendon d’Achille un peu délicat me prive de courir. Passé 62 ans, je me sens toujours en forme pour l’exercice physique ! Bien sûr, je ne suis plus à la recherche de la performance ! Mais bouger m’est indispensable. Je repense quelquefois à tout ce que j’ai accompli en course autrefois ; ce fut une formidable aventure qui m’a fait aller à la rencontre des autres et de moi-même. J’ai lu sur le blog de Kikouroù que certains âgés de 50 ans se désespéraient de ne plus pouvoir courir, de ne plus être performants, d’être handicapés par telle ou telle blessure. Oui, au fur et à mesure que l’âge avance, il faut accepter les défaillances de son corps, mais tant qu’on peut bouger, tant qu’on peut bouger, il reste tant de choses à faire ! C’est peut-être un passé glorieux qui permet d’avancer, autrement, plus fort, plus déterminé. Ne pas renoncer, ne pas abandonner !
Alors, ce matin, j’ai retiré les pédales automatiques pour mettre des pédales normales, changé une chambre à air, graissé par-ci, par-là. J’ai attendu un peu, hésitant, comme l’autre jour en Vanoise avant de me lancer dans une via ferrata avec les jeunes ! J’ai vraiment attendu… Il faisait si beau. Je suis monté sur mon Scott, tout surpris de retrouver sa souplesse, pour ne pas dire son élasticité, habitué à la rigidité du cadre route !
J’ai l’itinéraire en tête, rien de compliqué mais un beau parcours en perspective cependant. Sur les premiers hectomètres, sur une sente du village, je me refamiliarise avec le passage des vitesses, différent de mon troisième Scott, celui qui me sert pour vadrouiller en ville ! Je suis heureux de sentir cette monture souple sous moi. A la sortie du village, j’emprunte un itinéraire qui va me conduire en forêt d’Ecouves, composé de trois chemins bien différents. D’abord un chemin très étroit bordé de haies, caillouteux à souhait, puis un passage en plaine ouverte, et à nouveau un chemin bordé de haies, mais plus large. Le premier est coupé par un ruisseau à sec, passage que je sais délicat à négocier car suivi de racines saillantes et de pierres. Raté, je suis obligé de mettre pied à terre car je suis trop descendu dans mes vitesses et plus d’accroche pour négocier la difficulté. Je repars et reprends contact avec la réalité d’un méchant chemin caillouteux qui s’obstine à me faire dévier du droit chemin ! Je commence à retrouver des réflexes de pilotage. Le passage dans la plaine ouverte est sans difficulté, simplement le plaisir de rouler dans un chemin herbeux.
J’arrive dans un faubourg de Radon, la petite route qui mène en forêt est droit dans le pentu ! J’apprécie le triple plateau ! Une fois en forêt, j’oblique à gauche vers une sommière large. Elle monte insidieusement ; après un virage, la pente se relève. Je mets pied à terre. Autrefois, je restais en selle. Et alors ! Vingt mètres à pied puis je remonte sur le vélo pour atteindre le sommet. Je prends à droite une sente étroite dont toutes les imperfections se transmettent dans mes bras et mon dos par la suspension du VTT. Je jubile de ressentir à nouveau ses tressautements. Je continue à grimper par un sentier traversé de racines plus ou moins saillantes. C’est un chemin que je connais parfaitement. Là encore, je retrouve ce plaisir de choisir ma voie en fonction des difficultés du terrain. Un épaulement du terrain me fait remettre pied à terre. Cela va me permettre aussi de retrouver mon souffle. Je traverse le chemin de la Messe pour continuer vers l’Ouest par un chemin ludique. Il grimpe doucement pour descendre rapidement vers un petit marigot, à sec en cette saison. Certes, je ne vais pas le dévaler à fond mais avec de bonnes sensations en jouant des freins pour négocier le passage de racines ou de petits rochers.
A un croisement, j’aperçois un traileur mais je continue mon chemin, j’ai repris de l’assurance et négocie la prochaine côte sans problème. La forêt est magnifique. Je me sens particulièrement privilégier d’évoluer seul dans cet univers serein. Une nouvelle sommière puis un chemin torturé par les forestiers pour amorcer un retour vers Radon. Quelques petites difficultés que je suis heureux de passer sans problème parsèment ce parcours. Je croise la route du champ de tir pour retrouver un chemin qui va m’amener dans une longue descente très technique. Ce sera un peu à la pépère ! Un long chemin transversal, un petit passage technique et je descends par le chemin des Chèvres. Je quitte la pénombre de la forêt pour retrouver la lumière d’été qui inonde les prés bordant un chemin campagnard. Le retour se fera par le parcours de l’aller. Cette fois, je négocierai le passage du ruisseau correctement ; à chacun ses victoires ! Seules, les ronces se vengeront en s’accrochant à mes bras, provocant des saignements impressionnants, étant sous anticoagulant !
Je rentre sur Damigny dans un état euphorique, heureux d’avoir retrouvé des sensations que je croyais disparues. Certes, ce fut un petit parcours de 25 km en 2 heures ; qu’importe, le plaisir a été total ! Je raccroche mon VTT en passant ma main sur le cadre, comme j’aurais pu le faire dimanche dernier à Deauville sur l’encolure d’un cheval !
Demain, c’est chimio, car l’autre n’abandonne pas, loin de là ! Mais, jeudi, hum, une sortie VTT serait bien à l’ordre du jour !
Par Mustang - 18-05-2017 18:07:47 - 13 commentaires
L’homme assis sur un banc
Ce vendredi, la lutinmobile file sur l’A11 en direction de Dourdan. Je suis passager avant. La discussion est animée au sujet de ce qui nous attend demain, sur le Champ de Mars. Les occasions d’être passager d’une voiture sont rares pour moi, aussi, je profite de ce moment privilégier pour observer le paysage, de saisir parfois des visions enchanteresses qui pourraient cependant paraître à bien d’autres anodines. Je me repais de ces moments fugaces. Je suis dans l’instant. Je vis l’instant pleinement, sans retenue. Pas de retour vers le passé, le présent uniquement, le futur à peine effleuré. C’est la construction mentale que j’ai établie avec l’aide de mon psy pour combattre mon ennemi intérieur. Donc, je n’ai aucune appréhension pour ce qui m’attend demain.
Certes, cette nouvelle édition de la NFL in Paris est un nouveau défi que je m’impose. j’ai participé à l’édition de l’an dernier et j’en garde une impression énorme même si la nuit fut rendue difficile par le froid. Cela peut paraître troublant d’aimer courir en rond sur un circuit de 1,3 km tout au long de 24 heures, mais je trouve ce rythme cadencé attractif, voire fascinant, procurant un réel vertigo. C’est ce sentiment que j’ai ressenti, de manière plus intense bien que plus bref lors de mes tours de cour dans la centrale pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe pour le Téléthon. Et puis, j’adore courir la nuit !
L’an dernier, j’avais une bonne forme mais la stratégie de course avait été désastreuse. Là, comme je vais courir « seul », je vais pouvoir m’assumer et respecter le plan que je me suis fixé : 50 à 55 min d’effort, 5 à 10 min de repos. Je pars dans l’inconnu, et avec un avis médical défavorable. Je suis en pleine cure de chimiothérapie, mon oncologue m’a mis en garde sur les risques que j’encourais pour mes reins et mon foie, avec notamment une chute du taux de globules rouges et blancs. Cependant, les effets délétères de la chimio que l’on m’avait annoncés ne sont pas là, sauf la perte de cheveux ! J’ai couru, voilà trois semaines un petit trail particulièrement technique et tout s’est très bien passé. Mais là, il s’agit d’autre chose ! J’ai un peu d’appréhension. Il va faire chaud et je crains la déshydratation. J’ai amené avec moi des bouteilles de St-Yorre pour pallier mes pertes hydriques. Outre le ravitaillement de l’organisation, cela va-t-il suffire ?
Après une soirée sympathique dans une pizzéria de Dourdan et une nuit calme, c’est un réveil vers 6h30. Ma tenue sera simple, un short court et le maillot, le buff et la casquette aux couleurs de Kikouroù. J’ai prévu une grosse valise avec nombres de t-shirts, shorts et vestes de pluie au cas où la météo annoncée se révélerait exacte. Il n’en sera rien ! J’ai mon duvet et un matelas car nous ne disposerons pas de lit de camp dans la tente des Kikous, contrairement à l’an dernier ! Et mes Bolino !
Il n’est pas 9 h quand nous arrivons Place Joffre, en face de l’Ecole Militaire. François, notre chauffeur ne prend pas de risque et se gare sur le parking attenant, à moins de 20 m de l’entrée. Le retour n’en sera que plus aisé dans un peu plus de 24 heures ! La disposition générale est restée la même, seul l’emplacement des tentes dédiées a été modifié, ainsi celles destinées au repos des coureurs est à l’opposé de l’an dernier. Je passe le contrôle d’entrée. La préposée me demande d’ouvrir ma grande valise : devant l’ampleur d’une éventuelle fouille, elle se contentera de me demander si j’ai de l’alcool ! Et non ! Je retire mon dossard des 24 h. Nous sommes 103 inscrits contre les 39 de l’an dernier. Je file poser mon sac dans la tente de Kikouroù signalée par sa célèbre bannière. Elle est bien triste cette tente : quelques sacs entassés dans un coin, 3 chaises et une table avec des restes alimentaires, une bouteille d’alcool vide – le contrôle n’a pas été strict ! – et quelques bouteilles de bière. Personne n’y touchera durant ces 24 h à venir; il faut dire que ces bières sont loin d’être à température idéale pour les consommer ! Je fais connaissance ensuite avec les toilettes sèches qui vont rebuter pas mal de participant(e)s ! Ensuite, nous nous retrouvons sur l’esplanade aménagée. Des petites tables et des chaises de jardin sous des parasols font face à la grande scène. L’écran géant est situé à l’entrée, bien visible pour suivre la progression des coureurs en direct. C’est une disposition bien sympa ! Nous retrouvons Katia, ma traileuse au long cours du club à qui j’ai imposé la semaine dernière un 400 m pour le premier tour des Interclubs. Namtar nous rejoint ! Dans l’attente du départ, nous regardons passer une foule en mouvement particulièrement hétéroclite : des coureurs rapides, des marcheurs, des jeunes, des moins jeunes, des kikous ; la flamme kikou passe à toute allure ! A quelques minutes des 10 h, l’organisateur nous rassemble et nous donne des consignes. A vrai dire, il n’y a pas grand-chose à dire, il suffit de tourner !
Je ne ressens aucune appréhension, fini ce stress intense qui me saisissait autrefois au départ des courses, juste une exaltation de bon aloi ! 10 h, un coup de feu nous libère. D’emblée, je prends mon allure à 8 - 8,5km/h. Je n’y dérogerai pas tant que je courrai. je fais comprendre à Katia qui veut m’accompagner qu’elle a mieux à faire que de suivre ce rythme lent qui lui ne convient pas. Nous sommes nombreux sur cette large allée qui nous conduit vers l’esplanade de la tour Eiffel. Et de cette foule en mouvement, émane un sentiment de bonheur et de joie. C’est une évidence pour moi, c’est ce que j’en perçois, c’en est agréablement surprenant. Je retrouve avec amusement les passages en pavés pour l’instant anodins mais je sais que, bien avant le terme des 24 heures, ils seront de plus en plus pénibles à franchir. Je débouche sur le trottoir bordant l’avenue Joseph Bouvard il n’a pas été refait depuis l’an dernier ! Il a gardé ses mêmes imperfections. Les cars déversent leurs cohortes de touristes. Puis c’est le sas de contrôle. Je suis attentif au signal sonore des détecteurs mais nous sommes tellement nombreux à cet instant qu’il m’est impossible de savoir si ma puce fonctionne bien. Aussitôt après, sur ma droite, je remarque un homme assis à l’extrémité d’un banc, une énorme valise posée debout à ses côtés. Il regarde droit devant lui. Ce n’est pas un touriste. Il attend.
A l’extrémité du trottoir, nous reprenons l’allée après avoir contourné les plots. Il me semble que cette allée est légèrement descendante. Là-bas, un peu de rubalise et nous pénétrons dans l’enceinte. Là encore, trop de monde, mon nom ne s’affiche pas sur l’écran. Ce sera qu’bout de 3 ou 4 tours qu’il apparaîtra enfin. Mais avec mon GPS, je verrai qu’il me manquera 2 deux tours ! Voilà ce premier tour achevé. Il ne reste plus qu’à se laisser porter ! Nous nous saluons entre kikous. Je blague avec d’autres. Certains viennent à mes côtés pour prendre de mes nouvelles ou pour m’encourager, ce que ne manquera pas de faire tout au long de ces 24 h, Steph particulièrement. Bientôt 1 heure de course, je vais à la tente boire ma St-Yorre. Certes, j’aurais pu mettre mon eau dans la tente de ravitaillement mais je préfère aller tranquillement en marchant, cela me procure une bonne récup dans le calme. Les tours s’enchaînent. Beaucoup de monde, des enfants, les joëlettes. Dans l’après-midi, les touristes sont toujours aussi nombreux sur l’esplanade. Je regarde, amusé, ceux qui prennent la pose en écartant les bras comme s’ils tenaient la tour entre leurs mains devant l’objectif du photographe. Ils sont assaillis par les vendeurs à la sauvette de tours Eiffel de pacotille et de foulards imprimés des monuments de Paris. L’homme est toujours assis à l’extrémité de son banc. Il n’a pas bougé. Seul humain immobile dans cet endroit si animé. Cette immobilité interpelle. Je ne croiserai jamais son regard. Il est là à fixer je ne sais quoi, à attendre un futur qui ne viendra peut-être pas. Pas besoin d’être grand clerc pour reconnaître en lui un réfugié clandestin.
L’après-midi s’écoule tranquillement. Je m’arrête comme prévu toutes les 50 min. Je me restaure au ravitaillement des 24 heures, l’offre est plus chiche que l’an dernier. Mais ce sont les mêmes bénévoles que l’an dernier, elles ont gardé leur chaleur à regonfler le moral d’un coureur défaillant. Vers le milieu de l’après-midi, alors que je pénètre à nouveau dans l’enceinte, j’entends mon prénom. Quelqu’un m’interpelle. Je ne reconnais pas cette voix à l’accent prononcée du Sud. Je m’arrête cependant et j’aperçois trois jeunes vêtus du maillot bleu de Siemens venir vers moi. J’ai tout de suite compris. Il s’agit des jeunes collègues de mon fils qui bossent pour cette entreprise à Lyon. Ils savaient que j’étais là et guettaient mon nom sur le tableau d’affichage. Je suis particulièrement ému par cette rencontre aussi inattendue que chaleureuse. Oui, je suis bien le papa de Romain, oui, il me ressemble ! Bien sûr, nous nous empressons de faire une photo souvenir qu’ils vont adresser à mon fils qui en sera tout étonné. Nous échangeons quelques instants. Ils sont là depuis vendredi. Siemens est le sponsor principal de la NFL. Aussi, cette entreprise a invité tous ses employés à participer à cet événement. Mon fils a décliné l’invitation ; récent papa, il a de quoi s’occuper ! Je retrouverai David et Anne sur le parcours où nous ferons ensemble un tour en marchant. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais cette rencontre m’a procuré une joie intense.
La fin de journée approche. Tout va bien. Je ne ressens aucune fatigue malgré la chaleur. J’ai bu énormément. J’ai transpiré énormément, surtout de la tête. J’en suis à ma quatrième casquette, une UFO ! Malgré cette transpiration intense, je pisse ; mes urines sont de couleur normale ce qui me rassure sur l’état de mes reins. Au ravitaillement, je mange des bananes, des Tucs, des morceaux de gâteaux, du saucisson quand il y en a. Il y a de l’eau gazeuse et du coca chaud light ! Je vais chercher mes pâtes Bolino. De l’eau chaude et je vais m’assoir sous un parasol en attendant qu’elles soient prêtes. Pas de gastronomie mais un bon moment. J’allonge mes jambes pour les détendre. Je regarde passer la foule bigarrée, quel spectacle. Le spectacle est aussi sur scène où des groupes musicaux se succèdent. Je reprends ma course toujours au même rythme. De l’autre côté, je suis interpellé par un jeune qui me demande si je fais le marathon de Paris. Non, je participe à un 24 h. Il me jette alors un regard du type « oh, celle-là, on me la fait pas ! ». Je lui montre alors mon dossard où est mentionné le « 24h » et lui indique qu’il me reste encore 15 heures de course. Je le laisse dans son état d’incrédulité totale ! L’homme n’a pas bougé. Il est là, immuable. J’ai honte de mon indifférence. Comme j’ai honte à la vue de ces vendeurs africains de tours Eiffel, c’est tout ce que notre société a à leur proposer…
Avec la venue du soir, la température fraichie légèrement. Je vais enfiler un t-shirt manches longues. Les kilomètres s’accumulent. Les rangs des coureurs commencent à s’éclaircir. Je croise régulièrement Le Lutin et sa Josette dans leur nordique marche. De même notre monitrice Annick qui affiche un enthousiasme non dissimulé ! Namtar que j’ai vu lentement faiblir a jeté l’éponge. François me confie qu’il a un coup de mou. Caro caracole !!! Le jeune Vik à la foule aérienne poursuit sa course torse nu ! Avec la nuit, le public sur l’esplanade change. Ce ne sont plus les touristes mais bientôt les fêtards de tout poil qui animent le trottoir. Mais l’homme est toujours assis sur son banc. Je passe les 80 km vers minuit. Cela m’ouvre des perspectives. J’envisage alors un 100 km, ça serait vraiment inespéré pour ne pas dire incroyable ! J’alterne désormais marche et course. J’ai pris un blouson léger. Il me suffira pour la nuit. Nous sommes loin de la nuit glaciale de l’an dernier.
Le peloton s’est considérablement étiolé. Cela a l’avantage alors de pouvoir mieux discuter avec des participants, connus ou inconnus. Ainsi, je peux prendre le temps de discuter avec Mickey49, avec Steph. J’accompagne un coureur du 24 h qui me semble en déshérence. Il souffre d’un mal de ventre tenace. Je lui conseille de marquer une longue pose. Il le fera, je le retrouverai assis sur une chaise de jardin. Il n’a rien pour se protéger du froid. Je ne reverrai plus par la suite. Un coureur a embarqué son petit chien dans cette aventure circadienne. Il a prévu un sac banane pour le transporter ! Le Bagnard promène son boulet dans une poussette. Il devait être dans les 1 ou 2 heures du matin quand une personne d’un certain âge, bien de sa personne, m’aborde et me demande le pourquoi de notre présence. Et c’est en cheminant sur quelques dizaines de mètres que je lui explique le principe de la NFL, son but caritatif. Je l’invite à revenir avec ses enfants ou petits-enfants faire quelques tours pour la bonne cause. Cependant, quand je lui ai expliqué que je courais pour le Samusocial de Paris, elle n’a pu s’empêcher d’esquisser une moue dubitative !
La nuit continue, je me sens bien, pas de fatigue, pas de ressenti de sommeil. L’homme a quitté son banc ! Oh, il n’est pas parti, il s’est simplement allongé sur un banc plus en retrait pour dormir, sa valise à sa tête.
Je suis étonné de voir des Joëlettes au milieu de la nuit avec leurs équipages enthousiastes ! Tout comme je suis étonné de voir des rats filer entre nos jambes dans l’allée ! Ce milieu de la nuit est pour moi l’instant le plus décalé, le plus improbable que l’on peut ressentir dans ce type d’événement. A un moment, des bénévoles assis sur les chaises devant la scène acclament par les coureurs en scandant leur prénom qu’ils ont lu sur l’écran ! Je prends des cafés avec des tranches de saucisson assis à la terrasse en regardant passer les coureurs. Un régal ! J’y retrouve à plusieurs reprises mes compagnons d’Ecouvie. Les heures passent. Le ravito propose parfois des moments surprenants. Ainsi, j’aurais pu déguster au milieu de la nuit des Paris-Brest. Je n’ai voulu tenter cette aventure, je pense que j’aurais été moins ferme avec moi concernant les éclairs au chocolat qui me sont passés sous le nez. Par contre la soupe, bien que nécessaire, est d’un salé ! Il n’est pas encore 5 h que les oiseaux commencent leurs raffuts. J’ai passé les 100 km. J’entrevois alors l’inimaginable, la barre des 120 km. Je m’embrouille dans le compte les tours qui me restent à parcourir si bien que je vais me contenter d’avancer et de regarder ma progression sur l’écran. Le jour se lève. Une agitation fébrile règne sur le secteur, non pas dûe à notre présence mais par des préparatifs de festivités. Du côté de l’Ecole Militaire, ce sont des grandes manœuvres pour mettre en places des podiums, des barnums, des oriflammes pour une fête qui va rassembler la communauté juive de la capitale. De l’autre côté, ce sont les services municipaux qui s’activent pour retirer les barrières qui protégeaient les gazons du Champ de Mars, pour vider les poubelles et ramasser toutes les ordures laissées par les fêtards de la nuit, ceci en prévision de la visite des officiels du CIO. L’homme est revenu sur son banc. Je l’ai vu dialoguer avec quelqu’un.
Bientôt 8 h, j’ai vu ma marque sur l’écran, l’appétit vient en marchant. Le 120 est jouable. Cependant, il faut que j’accélère mon rythme. Je vais à la tente pour me changer une dernière fois et me oindre les pieds. Tout à l’heure, j’ai eu les doigts qui ont gonflé. J’ai trop bu ! Pendant une demi-heure, tout en marchant, je vais masser mes doigts afin de faire disparaitre cet œdème. J’avance, les autres aussi. Steph a lâché prise sachant sa marque à 220 km inatteignable. Le Bagnard a troqué son boulet pour un petit chien dans sa poussette, Vik au pied léger poursuit sa course rapide. Katia a son 150 km en vue ! L’exaltation m’envahit. Dans la dernière heure, je suis dans la dernière heure. J’ai une marge de plus de 20 min pour boucler mes 120 km. Confortable ! Si bien que je me mets à l’abri quand la première pluie s’abat sur la course. Je repars en prenant ma marque en bois pour un dernier tour. Je serre dans ma main ce ridicule morceau de bois avec émotion. Dernier tour accompli, bientôt 10 h. Je continue pour quelques centaines de mètres dans l’attente du coup de pistolet. Et à ce son libérateur, je ressens à nouveau ce sentiment d’immense plénitude que j’avais éprouvé l’an dernier. Juste pour ça, pour ce défi, pour cette lutte avec mon ennemi intérieur, pour ces immenses moments de vie. Merci à tous ceux qui m’ont encouragé, pour ces moments de partage.
Pendant tout ce temps, un homme est assis sur un banc*.
*Mickey49 nous apprendra par la suite qu’il a pris un bus avec un groupe pour une destination inconnue
Par Mustang - 10-02-2017 21:18:03 - 4 commentaires
Escort boy !
Parmi les nombreuses fonctions que j’exerce au sein de mon club et auprès de la FFA, je suis escort boy… euh, pardon, escorte pour le contrôle anti-dopage.
J’avais suivi une formation théorique l’an dernier avec des représentants de l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage. Jusqu’à ce dimanche, je n’avais pas pu mettre en pratique la procédure que j’avais apprise. Dans la semaine précédente, j’avais reçu un mail précisant mes fonctions sur cette compétition de cross : juge aux arrivées et escorte pour le contrôle antidopage.
La veille au soir, j’étais juge sur le concours longueur d’un meeting international d’athlétisme (Je suis juge fédéral sauts), aujourd’hui me voilà escorte ! Va pour une nouvelle expérience. Cependant, rien n’est sûr. Comme tout organisateur doit le prévoir, il faut mettre en place toutes les conditions pour effectuer un contrôle antidopage sans savoir si celui-ci aura bien lieu ; le secret est de rigueur :
- Les lieux avec une salle d’accueil pour les athlètes, des salles pour les médecins et des toilettes F et H
- Le personnel avec des escortes femmes et hommes en nombre suffisants, de préférence licenciés FFA.
Je suis sur le terrain depuis 9 h, je m’occupe des dossards des minimes pour les Intercomités et ils viennent au compte-goutte les chercher, grrrrrrrr !. je n’ai pas trop le temps de voir à la fois mes athlètes à la tente du club, ni de voir les premières courses. 14 h 30, mon téléphone sonne. Réunion des escortes ! Le contrôle a bien lieu ! Nous nous réunissons tous, les escortes et les délégués de l’AFLD. Petit rappel sur notre fonction en mettant l’accent que nous devons pas quitter l’athlète désigné sans le gêner pour autant, comme aller sur le podium ou répondre aux journalistes. Je reçois le feuillet de prise en charge de l’athlète avec son nom. Dans un coin, son numéro de dossard. Les filles sont déjà à l’œuvre pour la course Elites Femmes.
Voilà la dernière course, celle des Elites hommes. Je me place avec mes petits camarades au bord la piste afin de repérer mon athlète. Six seront contrôlés ce jour-là, 3 « ciblés » et 3 au hasard. Première petite boucle, le peloton est compact, je n’ai rien vu ! Deuxième boucle, la moyenne, le peloton s’est étiré, les cadors devant. Le mien, c’est un cador ! Donc ça va être facile de le repérer. Euh, encore rien vu, j’attends le retour des coureurs sur le deuxième moyenne boucle quand on vient m’avertir que mon athlète a abandonné sur blessure! Oups ! Peu importe, même s’il a abandonné, je dois lui signifier le contrôle. Je galope vers les tentes des clubs. Si certaines affichent le nom du club, la plupart est sans indication. Me voilà à l’entrée des tentes demandant si c’est celle du club de mon athlète…. j’ai dû en faire plus de vingt avant de tomber sur la bonne. Monsieur untel est-il là ? Non, il s’est blessé, il vient de repartir. Ah ! Cependant, on m’indique quelqu’un à une vingtaine de mètres. Je le rattrape, lui demande son identité. Il s’agit bien de mon athlète. Je lui indique alors qu’à partir de cet instant, il fait l’objet d’un contrôle antidopage. Sur le feuillet, j’indique l’heure et il impose sa signature. Je lui remets le dernier feuillet de la liasse. Je m’assure qu’il a une pièce d’identité sur lui. Il ne manifeste aucune contrariété. Il souhaite simplement rejoindre son épouse venu en spectatrice. Je les ramène a à la salle d’accueil. Madame restera dans le hall, au chaud. Je m’assure qu’elle n’a besoin de rien.
Je le conduis dans la salle d’accueil des athlètes qui est bien remplie avec les trois féminines, les cinq autres garçons et leurs escortes. De l’eau en petites bouteilles scellées est à leur disposition. Je remets au délégué la liasse du procès-verbal. Des escortes accompagnent des athlètes pour les podiums, d’autres pour aller chercher une pièce d’identité. L’ambiance un peu tendue au début va se décontracter au fur et à mesure car aucun de ces athlètes n’a envie d’uriner ! L’attente commence. Les médecins conseillent de boire par petites gorgées mais pas plus de 0,50 cl à 1 l car il ne faut pas que l’urine soit trop diluée ! Donc, c’est une papote sympa qui s’installe avec ces athlètes qui sont des champions, les médecins, les délégués et nous. Ce sont les filles qui vont gagner au petit jeu du premier pipi. Les garçons prennent cela à la rigolade. On les emmène dans le couloir pour marcher un peu, prendre l’air dehors ! Patience. Nous leur demandons de temps en temps s’ils se sentent prêts. Il faut savoir que le médecin doit observer l’athlète en train d’uriner dans le flacon. Un nous dit que cela le gêne. Il préfèrerait se mettre complètement à poil et pisser tranquillou, mais se savoir observer en train de pisser… ! Cependant, un à un, ils vont pouvoir remplir leur flacon. A la sortie des wc, ils brandissent victorieux leur flacon faisant la nique à ceux qui sont toujours en attente du bon vouloir de leur vessie ! Le mien a terminé mais je dois attendre mon camarade de club qui n’en a pas fini avec le sien. Voilà, il est 18 h 30, soit près de 2 heures après l’arrivée de la course que les opérations se terminent. Les accompagnateurs qui attendaient leurs athlètes vont enfin pouvoir repartir, certains ont plus de 5 heures de route pour rentrer !
Pour moi et mes collègues de club, une longue journée mais une belle expérience acquise !
Mustang
Par Mustang - 03-11-2016 15:46:20 - 9 commentaires
C'est une chose pour laquelle je n'ai pas eu l'occasion de vous narrer. Le Lutin connaît bien mon côté pudique, lui qui aime me raconter des histoires bien salaces juste pour me faire rougir ! Il en va de même pour mes sentiments que j'ai du mal à exprimer. Enfin, je vais vous raconter ma première fois. En fait, il y en a eu deux mais avec la même personne !
La première est arrivée ce jeudi matin, jour de rentrée scolaire après les vacances d'automne à Montpellier. J'ai pu accompagner mon petit-fils à l'école ! Cela ne m'était pas jamais arrivé avec mes trois enfants. Etant enseignant et directeur d'école, il m'était bien sûr impossible de les conduire à l'école, même quand ils ont été dans ma propore classe ! Jamais eu ce moment émouvant de les conduire pour leurs premières rentrées, d'attendre avec les autres parents l'ouverture des grilles, de rencontrer leur enseignant dans la cour ! Là, depuis une semaine, mon épouse et moi sommes à Montpellier pour garder notre petit-fils. Ce matin, c'est donc branle-bas de combat pour cette rentrée d'automne. Tout est prêt, le petit sac à dos, la pochette de l'école avec les travaux du mois passé. J'ai bien la carte de cantine. Il est 8h25, en route ! L'école n'est pas bien loin, à peine 300 m à pied. Marcus nous conduit à travers les allées de la résidence pour rejoindre la rue. En chemin, tenu par la main par nous deux, il s'amuse à enjamber des crocodiles imaginaires sur le trottoir. Arrivés au carrefour, nous attendons que le feu piéton passe au vert en compagnie d'autres parents avec leurs enfants. Dans la rue, c'est un peu le bazar avec des voitures garées n'importe comment. Nous arrivons enfin devant la porte de l'école. Mais il faut attendre 8h35, heure d'ouverture réglementaire ! Des mamans, quelques papas accompagnent leurs enfants. Voilà, la porte s'ouvre. Un peu de bousculade avec les poussettes, les petits avec leur vélo, leur trottinette qu'ils conduisent au garage au vélo en passant par ce couloir ! Nous restons sur le côté afin de pointer pour la cantine ! Voilà, Marcus nous conduit par la main vers sa classe. J'en suis tout attendri; quelques petits ont les larmes aux yeux. Il faut monter à l'étage pour rejoindre sa classe. Dans le couloir, en face, les patères avec une étiquette à son nom. Nous y accrochons sa veste et son petit cartable. A peine entré, il file vers une table pour jouer sagement avec quelques objets. Nous saluons la maîtresse en nous nous présentant. Nous échangeons quelques mots avec elle mais nous ne pouvons pas nous attarder ! Un gros bisou à notre petit-fils et nous quittons l'école. Beaucoup d'émotions pour ce bref moment !
L'autre première fois a eu lieu dimanche, à l'arrivée de la course du "Tiers de Marathon" de Lavèrune. Mon petit-fils m'y attendait. Quelle fierté pour lui comme pour moi de franchir la ligne d'arrivée ensemble pour la première fois !
Des moments simples qui comblent une vie !
Par Mustang - 16-04-2016 01:01:58 - 4 commentaires
Je n'ai la ver... heu la verve du Lutin, mais j'ai réussi à écrire un récit sur ma NFL. Cela faisait bien longtemps que j' en avais écrit un, c'est ICI
C'est le 80e !
Par Mustang - 05-03-2016 00:10:34 - 13 commentaires
L’extincteur n° 93
Il doit être 11 h 20. Je suis au troisième étage du centre Jean Bernard. Je viens de subir la 4e scintigraphie en 6 mois. Je suis arrivé à 8 h pour l’admission. Je suis déjà passé par la case scan ! Là, dans ce couloir, j’attends l’entretien avec le radiologue. Je n’ai rien avec moi, j’ai tout laissé dans le petit salon où j’ai pris tout à l’heure mon petit déjeuner. L’infirmier qui va m’accompagner toute la journée a demandé à Mireille de rester dans ce salon. Je sais qu’elle va s’y morfondre. Pas de bouquin, pas de smartphone, même pas de mots fléchés ! Je suis en t-shirt avec juste un pull jeté sur les épaules… et mon jean ! Rien donc. Je connais par cœur ces lieux. Ce n’est pas vraiment une salle d’attente, plutôt un couloir qui se termine par un espace donnant sur une baie vitrée. Je me suis calé sur une chaise face à ce couloir. A ma droite, se trouve la salle d’injection des isotopes radioactifs. Le protocole est toujours impressionnant, notamment avec cette seringue blindée et le cérémonial qui y préside. Devant moi, légèrement sur ma droite, les deux cabines numérotées 1 et 2 qui servent de sas avec la salle d’examen. J’ai un pilier face à moi si bien que je ne vois que partiellement le chiffre 1 apposé sur la porte de la première cabine. Derrière moi, légèrement sur la gauche, ce renfoncement vitré où je devine la présence de deux personnes qui attendent. A aucun moment, je me retournerais pour les voir. Voilà déjà un temps certain que je ne regarde plus derrière moi, même dans cette circonstance anodine. Non, je ne regarde plus derrière moi, désormais, c’est toujours devant moi. A gauche, les WC, et un espace où je ne vois qu’une alcôve où se repose une femme recroquevillée sur sa couche. Derrière moi, sur ma droite, une porte donne sur une petite salle où est préparé le matériel d’injection et où est stocké tout le nécessaire aux différents protocoles d’injection. Enfin, devant moi, ce couloir avec, au-delà du distributeur d’eau, quelques chaises où ont pris place à cet instant deux femmes. Ce couloir distribue également sur la droite, les pièces des manipulateurs. A gauche, c’est celle du radiologue. Au fond, à gauche, c’est l’issue avec, cependant, juste dans le prolongement de ce couloir, une cabine avec le numéro 1 sur sa porte. Un voyant rouge restera allumé en permanence au-dessus de celle-ci. Derrière le pilier, se trouve un homme assis sur une chaise roulante. Et pour finir, sur ma droite, près de la porte de la salle d’injection, cet extincteur rouge. Il porte le numéro 93.
Je me suis enfermé dans mon espace. Seul va m’importer le moment où le radiologue va m’appeler. Je détaille les inscriptions de l’extincteur rouge. C’est un extincteur à eau pulvérisée. Son fonctionnement est indiqué par des pictogrammes. Une étiquette située sur sa base indique les différentes vérifications dont il a fait l’objet, certifiées par une signature et une date. Son numéro 93 me fascine, je ne sais pas pourquoi. Sa couleur rouge attire irrésistiblement mon regard. J’arrive à me soustraire à cette fascination. J’observe l’homme assis sur sa chaise roulante. Il est ailleurs, sa tête dodeline en permanence. Son âge est indéfini, peut-être 50 ans voire 60ans, peut-être plus. Il est extrêmement maigre. Son pantalon gris en coton flotte sur ses cuisses. Il porte des chaussures de toile grises, des chaussettes grises également mais plus claires, un pull marron. Son visage légèrement émacié est orné d’une moustache, cette moustache qu’avaient les hommes dans les années 60-70, comme celle qu’ a mon parrain. Son regard est perdu. Je reviens sur mon extincteur, sa vue m’apaise. Sur la gauche, près de la fontaine à eau, une femme. Coiffure rousse frisée, elle porte une étonnante doudoune verte. Elle a le visage coloré. Ses yeux sont soulignés de bleu. Elle a une sorte de sourire figé mais son regard est désespéré. Son attitude suscite la compassion. Mais que ce soit ici, ou ailleurs, dans les autres salles d’attente de Jean Bernard ou de Victor Hugo, je me refuse à entrer en contact avec qui que ce soit, même du regard. C’est ma manière à moi pour me préserver. Je reviens sur mon extincteur que je détaille à nouveau. J’ai aperçu le radiologue qui est sorti dans le couloir pour appeler une personne qui se trouvait derrière moi. La femme qui était allongée dans l’alcôve s’est levée et remplit un gobelet d’eau à la fontaine. Elle s’impatiente à haute voix. Son attitude me déplait. Le radiologue est sorti à nouveau mais il va chercher une personne dans l’autre salle d’attente à l’entrée. Dans le couloir, des infirmiers vaquent à leurs occupations. Ils entrent et sortent des différentes salles, totalement étrangers aux personnes assises, comme dans deux mondes parallèles. Une femme vient de s’assoir à côté de la dame rousse. Elle est chaudement habillée, engoncée dans un gros manteau. Je l’ai vu tout à l’heure dans le petit salon. Elle me sourit, cherchant un soutien à son angoisse qui l’étreint. J’esquisse un semblant de sourire et retourne à mon extincteur. La porte du radiologue s’ouvre à nouveau, une personne en sort mais le patricien demeure dans son bureau. Un infirmier appelle la dame au manteau. Il lui donne les consignes pour passer l’examen : « Vous enlevez votre pantalon, vous pouvez rester en soutien-gorge ! ». Moi, tout à l’heure, j’ai eu droit à « Vous vous mettez en slip, vous pouvez garder votre t-shirt . Auparavant, vous irez uriner ! ». Il y a des mots qui tuent. Un autre infirmier appelle désespérément une madame X, elle n’est pas là. La dame impatiente va toquer à la porte ouverte du radiologue, elle échange avec lui quelques mots et revient. Je vois ce manège d’un mauvais œil. Je pense à Mireille qui doit se faire un sang d’encre. Pour la première fois, elle ne sera pas à mes côtés pour les résultats. Une dame encombrée de sacs arrive ; elle paraît jeune, un peu à l’arrache. C’est la fameuse madame X. L’infirmier lui montre la cabine n°1 du fond où elle doit se rendre. Auparavant, il lui demande d’aller uriner dans les WC. Pas de chance, ils sont occupés par la dame impatiente ! Je me raccroche à mon extincteur.
Des personnes défilent dans le cabinet du radiologue ; je ne suis toujours pas appelé. J’ai fait le vide dans ma tête. Ne rien penser, ne pas être. Une femme arrive, d’un pas très digne. Elle porte un turban sur la tête. Pas besoin d’en dire plus. C’est une habituée des lieux. Cela va faire bientôt une heure que je me morfonds sur ma chaise. La dame impatiente puis la dame rousse sont appelées. Pour moi, cela ne devrait plus tarder. je ne regarde même plus l’extincteur, juste le pilier blanc devant moi. La grosse dame a terminé son examen et est revenue sur sa chaise. Etrangement, le monsieur sur la chaise roulante est toujours là, à dodeliner de la tête. Il doit bien être 12 h10. Je ne sais même plus si je regarde quelque chose. C’est la voix du radiologue me nommant qui m’arrache à mon néant et me propulse d’un pas vif dans sa direction….
Poignée de main chaleureuse puis je m’assois dans son bureau… Enfin, il étale devant moi les radiographies que je scrute avec avidité…. Les taches noires n’ont pas évolué !
Je retourne dans le couloir où l’infirmier va me reconduire dans le petit salon de Victor Hugo, auprès de Mireille. J’y prendrai mon déjeuner, rasséréné. Je ne quitterai les lieux que vers 16 h après les prises de sang, l'entretien avec la responsable du protocole et la visite chez l’oncologue.
Par Mustang - 08-12-2015 22:50:17 - 16 commentaires
Courir en prison
Ce matin de décembre, froid et humide, nous nous garons sur le parking de la centrale pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Nous sommes une douzaine, en tenue de sport. Nous allons courir avec des détenus dans la prison la plus sécurisée de France !
A la grille d’entrée, nous sommes accueillis par X…, délégué par l’UFOLEP pour l’animation sportive au sein de l’établissement. Premier contrôle d’identité, première grille franchie, premiers hauts grillages de l’allée qui conduit aux bâtiments pénitentiaires. Sur ma gauche, vision étonnante de jeux d’enfant dans une petite cour clôturée. Elle est attenante aux Unités de Vie Familiale.
Nous pénétrons dans un hall d’accueil. Nous échangeons nos cartes d’identité contre un badge magnétique. Nous nous délestons de tout ce qui est inutile dans un casier avant de traverser un portique de détection. Le passe nous permet de franchir un tourniquet. Nous quittons cette pièce pour une autre puis une suivante qui débouche à l’air libre (!). C’est là que la prison commence. Grillage, barbelés, clôture électrique, les murs impressionnants par leur hauteur. Une longue allée joliment paysagée nous conduit aux bâtiments pénitentiaires. Aux fenêtres, des barreaux bien sûr mais ceux-ci sont disposés de manière particulière, pas tous parallèles comme il se doit mais certains de guingois. Nous voilà dans un grand hall. Nous prenons un couloir à droite qui distribue différentes pièces aux fonctions administratives. Dans une petite salle, atour d’une table nous avons droit à un café d’accueil avant le briefing avec les deux animateurs sportifs et une surveillante. Les questions fusent. Il faut dire qu’il n’y a pas une semaine où les journaux rapportent des incidents plus ou moins graves entre détenus et surveillants ici ! Cet établissement abrite les longues peines et des individus à la renommée tristement célèbre en France voire dans le monde entier !
Voilà, c’est le moment. Nous nous trouvons maintenant dans un immense hall. A gauche, un portique de détection dernier cris pour les visites au parloir. A droite, trois grandes grilles qui donnent accès aux trois unités où résident les détenus. Pour moi, c’est la 3 avec quatre de mon groupe. Là, il ne s’agit plus de franchir des portes blindées, mais de lourdes grilles commandées depuis une pièce sécurisée. Première grille, puis une deuxième, enfin une troisième qui débouche sur la « cour ». Elle est en forme de losange dont deux côtés sont les ailes des bâtiments abritant les cellules, les deux autres sont fermées par une haute enceinte de béton. Une allée conduit au terrain de foot. L’allée comme le terrain sont clôturés par un haut grillage couronné de rouleaux de barbelés. Le terrain a un revêtement herbu synthétique où pourtant de la vraie herbe pousse par touffes ! Ce sont plus les dimensions d’un terrain de hand que celles d’un terrain de foot. Des ballons sont coincés dans les barbelés. Trois urinoirs sont disposés sur le petit côté près de l’entrée. De nombreux détritus tombés des fenêtres des cellules jonchent le no man’s land herbeux entre les murs et le grillage délimitant le terrain de jeu. Beaucoup de celles-ci sont occultées par des serviettes ou des tissus quelconques. Le terrain est dominé par un haut mirador. Un réseau de filins soutenus par des pylônes est tendu au-dessus de la prison afin d’empêcher toute évasion par la voie des airs !
Cinq détenus nous attendent. Nous échangeons une poignée de main. Je n’ai pas d’état d’âme particulier en les saluant. Je ne suis pas là pour ça ! Je ne saurai rien d’eux. La surveillante nous rappelle les règles : 10 tours de terrain rapportent un euro financé par un prestataire de la prison et par les détenus eux-mêmes. Je me défais rapidement de mon pantalon de survêtement et de mon sweat. Nous nous regroupons et c’est parti. Auparavant, nous avions demandé aux détenus dans quel sens ils « tournaient » ; nous tournerons donc dans le sens sénestrogyre. De suite, c’est une bonne allure de footing. J’ai de bonnes sensations et le terrain est agréable à parcourir par sa souplesse. La configuration des lieux rend particulièrement étrange ce footing avec bien sûr le haut grillage couronné de barbelés, mais c’est surtout ce rythme syncopé qu’impose la brièveté des lignes droites à parcourir. Peu à peu, le groupe se disloque. Yannick, une autre jeune et un détenu commencent à prendre le large… euh, façon de parler ! Je reste au contact d’un prisonnier. Nous échangeons quelques mots. J’évoque mon passé d’ultra-marathonien, de ce plaisir à courir dans la nature ; lui, de la course comme un moyen de se défouler, de s’évader bien sûr ! Là, dans l’instant, nous sommes dans la même foulée, côte à côte, chacun avec son histoire, à apprécier le plaisir de courir, de ressentir cette impression trouble d’apesanteur entre deux appuis au sol, d’apprécier cette translation rapide et légère dans un espace contraint. Peu à peu, son allure baisse alors que la mienne s’élève. Le groupe de coureurs est maintenant réparti sur tout le circuit ; seul, Yannick et le jeune restent avec un barbu. Ils vont faire dix tours à fond !
Dans l’allée, d’autres détenus sont venus voir ou prendre l’air, un va se renfrogner dans un coin. Il a le visage dur et fermé, pas la peine d’essayer de communiquer avec lui, même du regard. Un détenu est parti en marche arrière pour soulager un mollet douloureux, la capuche sur la tête, de gros écouteurs sur les oreilles. Plus 50 min sont passées, les copains se sont arrêtés. Je continue encore pour une dizaine de tours. Voilà, le contrat est rempli. Pendant que la responsable comptabilise le nombre de tours parcourus par chacun, un détenu, le cheveu ras, des bras gros comme des cuisses, entreprend de faire des pompes par séries de 25. Il en fera 500 ! Pour mon compte, j’ai accompli 82 tours, soir, à peu plus de 9 km ! Poignées de main, tapes dans le dos et on se dit au revoir. Ce fut un bon moment où le sport a servi de valeur partagée.
A nouveau, nous, enfin les coureurs de l’extérieur, franchissons les grilles et les portes pour rejoindre la petite salle pour un petit débriefing avec les moniteurs. Les visages n’affichent plus l’appréhension de tout à l’heure. Tout le monde est détendu. Puis ce sera une photo devant la centrale pour la presse. L’après-midi, les détenus continueront à faire des pompes et à « pousser » de la fonte. un total de 430 euros sera récolté au profit du Téléthon.
Par Mustang - 14-09-2015 19:11:01 - 6 commentaires
Une campagne française
Pour le premier vendredi de septembre, j’ai programmé à nouveau une sortie longue en vélo bien que la météo annonce un temps plutôt mitigé. Il s’agit avant tout de « faire passer » la journée du jeudi au centre Jean Bernard !
Ce sera cap au Sud ! Je prévois dans une première partie de suivre l’itinéraire du raid que j’avais parcouru dans la nuit du 19 avril 2008 lors du relais UFO Ultra Méga Toff / Sées-La Bazoge. Il s’agit pas pour moi de revivre une épopée, je ne suis pas dans une démarche proustienne, à raviver des souvenirs pour les revivre à nouveau. Non, ce qui a été vécu est révolu, les souvenirs sont bien là, magnifiés sans doute, mais il me plaît de superposer parfois de nouvelles impressions sur des anciennes en des mêmes lieux, peut-être pour prendre la dimension du temps écoulé, mais aussi de saluer ces lieux comme on salue un vieil ami. Ainsi, chaque fois que je passe sur l’autoroute au sud de Valence, je ne manque pas de jeter un regard amical vers la silhouette particulière des Trois Becs.
La route que je suis est parallèle à la N138, en bien plus calme ! C’est une petite route sympathique qui ondule à peine dans la campagne sarthoise ; ce n’est plus un bocage mais pas encore des opens fields, paysages que l’homme a modelés pour l’agriculture et l’élevage. Passé les carrières des Noës, je dégringole vers Oisseau-le-Petit. A un carrefour, un fanum marque la présence d’une ville gallo-romaine de grande importance. Elle git sous les champs en attendant les archéologues du futur, après avoir subi des fouilles au XIXe siècle, plus orientées vers la recherche de trésors que vers l’exploration raisonnée d’un site remarquable. Au nord-ouest, sur une colline bordant cette plaine, l’oppidum gaulois de St-Evroult indique la valeur que les hommes autrefois accordaient à ces lieux de passage. Non, je vous ne dirai pas que je suis venu sur le site du fanum avec mes élèves dans la cadre d’un projet pédagogique en compagnie d’un archéologue alors que le site était en phase de restitution et qu’un élève avait trouvé dans un tas de déblai une pièce romaine !
Sur la route, je croise un couple de vieilles personnes occupé à ramasser des mûres dans les haies généreuses. Voilà une activité qui se perd. Pourtant, c’est si facile de récolter ces fruits charnus et d’en faire de délicieuses gelées ! A la maison, nous en sommes à plus de 40 pots confectionnés par mon épouse ! Passé Fyé, je coupe la départementale qui conduit à La Hutte pour emprunter une charmante petite route. Les odeurs suaves d’une peupleraie assaillent mes narines, vite remplacées cependant par celles plus tenaces, émanant des chaumes d’un champ de colza. Personnellement, je n’ai aucune répugnance pour les odeurs fortes de la campagne, comme celles du lisier que les agriculteurs répandent en cette saison sur leurs champs.
A la même heure, hier, je m’installais sous la première machine de la journée pour un nième scan. Cette fois, l’infirmière a été particulièrement brusque pour placer une voie dans mon bras gauche. Examen tranquille par un appareil que je connais bien. Juste le ronflement de la machine en rotation, pas le bruit infernal de l’IRM ! La machine la plus étonnante à laquelle j’ai eu à faire a été le cyberknife à Tours, il y a 3 ans. J’avais eu l’impression d’être sur une chaîne de montage automobile avec un robot effectuant des points de soudure sur la carrosserie ! A chaque séance, voir ce bras articulé qui virevoltait autour de moi provoquait en moi l’admiration pour le génie humain qui avait conçu une telle machine, même si le résultat fut négatif par la suite. Je file au 3e étage où une charmante infirmière me prend en charge pour une prise de sang dans le bras droit car j’ai gardé la voie du bras gauche pour la suite ! Va pour 12 tubes ! Puis j’ai droit un questionnaire car je vais suivre un programme particulier avec suivi quotidien par Internet ! Je redescends au 2e pour l’injection d’iode en vue de l’examen de l’après-midi. Je blague avec l’infirmière sur le bon repas du midi que je me promets de faire en attendant l’examen.
Après un petit bois, la route descend en pente douce vers la Sarthe que je franchis au Gué-Lian par un vieux pont. La rivière s’écoule paresseusement entre ses sept arches. Des barques amarrées sont autant d’invitations à la flânerie au fil de l’eau. Je me retrouve sur une départementale où la circulation va m’inciter à la prudence. Dans le virage je jette un œil à la Commanderie. Quelques kilomètres plus loin, je prends la direction à droite d’Assé-le-Riboul. Là encore, la simplicité des paysages m’enchante. Tout m’émeut (!). Près d’une ferme, un bâtiment circulaire que d’aucun prendrait pour une tour ou un pigeonnier est le vestige architectural d’une activité agricole dont la région s’était faite la spécialité autrefois, la culture du chanvre. Il s’agit donc d’un four à chanvre. Le chanvre demeure une culture locale, ici, dans le nord-Sarthe et le Saosnois. Et fin août, les effluves se dégageant des hautes plantes sont loin d’être anodines ! J’arrive à St-Jean d’Assé, petit village plein de charme. Je poursuis mon périple vers La Bazoge. Sur ma droite, Notre-Dame des Champs, les coquilles St-Jacques fixées sur des poteaux téléphoniques en sont les balises pour qui souhaite y faire halte. J’attends avec impatience d’arriver à un endroit particulier, c’est celui que j’aperçois depuis l’autoroute, en bordure de la forêt, c’était la dernière difficulté de notre périple UFOeste : une petite côte de rien du tout ! J’y suis ! Plaisir de retrouver une vieille connaissance. Je me laisse glisser vers l’étang au bord duquel je compte me restaurer.
Hier, après l’injection, permission de deux heures pour le repas de midi. Mireille et moi avons nos habitudes dans un restaurant place de la République. Le soleil est bien présent mais il joue à cache-cache avec des nuages, nous nous installons cependant en terrasse. Nous commandons le menu du jour. Après l’entrée, je m’attaque au plat de poisson commandé, une tranche d’espadon avec une sauce assez banale à l’oseille. Peu importe, le moment est superbe. Nous discutons tranquillement. Soudain, mon attention est attirée par un groupe de personnes assis sur les marches de la Poste Centrale, à une vingtaine de mètres de nous. Mireille n’en voit rien puisqu’elle leur tourne le dos et ils sont face à moi. Une jeune homme se lève et brandit en direction des passants une mitraillette ! Stupeur ! Je sais que l’arme est certainement factice à cause de l’attitude rigolarde du groupe. Il n’y a pas de réaction particulière dans la foule, pas de cri ! L’arme est fausse certes mais il n’en demeure pas moins que le geste est vrai, sa réalité insoutenable, monstrueuse ! L’homme continue à faire le fanfaron avec son arme pendant encore quelques minutes. Puis la police débarque : de nombreux policiers avec des gilets pare-balle, certains la main sur leur arme à la ceinture, se précipitent sur le groupe. Pas de violence, le groupe est rapidement embarqué dans les véhicules de la police. Nos voisins de table ont perçu l’agitation, sans plus. Je ne peux pas dire que la place retrouve son calme puisqu’en fait il n’y a pas eu d’agitation particulière comme si cet incident n’avait jamais existé. C’en est des plus troublants.
Après mon repas, je traverse La Bazoge pour prendre la direction de la Chapelle-St-Fray. Nous sommes proches du Mans. De nombreux pavillons, certains particulièrement cossus, jalonnent la route. Après la forêt, la route me conduit vers le village perché sur une colline. Comme j’entre dans le bourg, je perçois des bruits familiers : ce sont les cris des enfants dans la cour de récréation de l’école du village. Ils vont bientôt rentrer en classe. En passant devant la cour, j’ai la vision étonnante d’une petit fille habillée d’un gilet de laine comme on n’en fait plus maintenant, appuyée contre un tilleul qui observe les autres avec ce regard désespéré lorsqu’on se sent rejeté, ce regard que j’ai souvent observé dans mes cours de récréation !
Le pays se vallonne, devient plus bocager, ce qui n’est pas pour me déplaire. A chaque arrivée en haut d’une côte, comme la victoire d’être arrivé jusque-là, j’ai la vision d’un paysage agreste qui porte à la sérénité. A Neuvillalais, les enfants ne sont toujours pas rentrés en classe ! La cour est remplie de cris joyeux, pas de petite fille au regard triste !
14h, je suis dans le couloir en attendant que la place se libère. Je suis invité à patienter dans la cabine attenante à la salle d’examen. C’est le moment qui m’insupporte le plus. Je m’y sens déshumanisé. Une chaise, une patère, rien d’autre. Ah si, dans celle-ci, un petit miroir ! Parfois, l’attente est longue. Je m’y morfonds, entendant les injonctions des opérateurs. Pour une fois, c’est rapide. Je retrouve mon infirmière et lui raconte mon bon repas ! Je m’allonge. La masse grise du bloc s’approche de mon visage. J’en ai pour vingt bonnes minutes. La machine prend son temps pour parcourir la distance qui va de ma tête à mes pieds ! J’en profite pour sommeiller ! L’opératrice goguenarde me réveille ! Je rejoins la cabine où je me rhabille et attends dans le couloir de rencontrer le radiologue. Quelques minutes plus tard, celui-ci m’invite dans son bureau. Mon épouse nous rejoint. Il étale devant nous la scinti que je viens de passer, en regard de la précédente. Je n’ai pas besoin de ses commentaires. La vision des taches noires qui ont gagné en dimension par rapport à la dernière fois est suffisamment éloquente. Je n’ai pas d’émotion particulière à leur vue, je les regarde calmement. Je me suis mieux préparé à cet instant que l’an dernier où le tep-scan m’avait fait ressembler à un sapin de Noël tant il y avait de points illuminés ! Le radiologue se croit obligé de m’indiquer qu’il y a de nouveaux traitements pour ma situation. Je n’en doute pas !
Je continue mon périple en traversant des villages que je ne connaissais pas : Crissé, Pezé-le-Robert. Je prends la direction de Montreuil-le-Chétif. Ah, le charme dégagé par les noms de ces petits villages français ! Là, les affaires se corsent. Ne reculant devant aucun effort, j’entreprends l’ascension qui me mène au col de la Source à l’altitude de 235m dans le bois de Pezé, appendice de la forêt de Sillé-le-Guillaume. J’ai la musique d’Agnès Buen Garnas pour m’accompagner dans cette ascension. Le sommet en vue, l’inscription sur le bitume « ouf ! » me fait sourire. Dur de monter, mais plaisir ensuite d’une longue descente dans la forêt ! Les pluies récentes ont fait sortir les champignons. Les voitures des ramasseurs encombrent les entrées des allées. Douillet, Sougé-le-Ganelon puis Assé-le-Boisne sont les villages suivants que je traverse. Le dernier est particulièrement pittoresque avec de belles demeures de pierre. Un commerce attire mon attention, c’est un café-quincaillerie ! Rien que pour lui, faites le voyage d’Assé-le-Boisne !
J’attends que le car jaune de ramassage scolaire de la Sarthe ait fini de manœuvre sur la place pour rejoindre la route de Gesnes-le-Gandelain. Alençon est en vue. Je termine ma sortie du jour de 120 km au magasin de sport du copain-entraineur. J’y retrouve des athlètes de mon club. On papote, on papote mais il y a des clients !
Le dimanche suivant, longue sortie trail de 20 km en forêt pour s’achever comme il se doit, au bar de Radon avec tous les copains.
Elle n’est pas belle, la vie ?
Z
Par Mustang - 19-08-2015 17:01:58 - 5 commentaires
Balade hiesmoise
Ce lundi 17août, le temps est un peu chagrin toutefois j’ai programmé une sortie vélo un peu longue. Je me sens bien, alors autant en profiter ! En panne d’inspiration et pour changer de la dernière fois où j’avais mis le cap vers le sud, là ce sera plein nord ! Sortie longue, donc ravito et eau en conséquence. Sous le maillot, je mets juste un petit débardeur fin et des manchettes pour les bras. Ce sera un peu juste pour le matin avec les 16° mais plus couvert, j’aurais été gêné ! Je prévois toutefois un coupe-vent sans manche dans le sac. Je traverse Alençon par les boulevards. A la Pyramide, grand rond-point névralgique, un van me grille la priorité, un peu comme d’hab ! J’ai de bons freins et j’évite de justesse de m’écraser sur la carrosserie du véhicule. Voilà, je file vers la sortie de ville et arrive sur la route d’Essai. C’est une route très agréable dans la plaine, route filante que j’affectionne en retour de balade. Mais, là, ce sera pour me mettre en jambes pour la journée. Sémallé, Larré, Menil-Erreux sont les premiers villages traversés, simples villages-rues mais que les édiles locaux ont su mettre en valeur ! Après Bursard, la route se courbe dans une légère montée pour atteindre un des plus beaux haras de Normandie, celui de Bois-Roussel. Perfection des bâtiments, perfection des enclos, perfection des perspectives : tout concourt à une harmonie des paysages. Je suis toujours subjugué par cette harmonie que l’homme a su construire.
La route ensuite plonge vers le petit bourg d’Essay. Essay, terre de mes aïeux. Certes, mais pas de réelles racines juste le hasard de nominations administratives. En l’occurrence, il s’agit celle de mon grand-père comme gendarme à cheval. A vrai dire, je ne connais pas vraiment l’arbre généalogique de ma famille du côté paternel. Qui est donc cette grand-mère allemande mariée en 1900 ? Le temps est passé. Je n’ai jamais connu mes grands-parents. Je suis le plus jeune de la famille, enfant tardif d’après-guerre ! Je passe devant le cimetière où arrière-grands-parents, grands-parents, oncles, tantes et désormais cousins reposent. Sur la droite, aux feux, je fais un détour vers le manoir de la Bonnerie.
C’est une belle demeure magnifiquement restaurée avec un jardin exceptionnel créé de toute pièce par l’actuelle propriétaire. L’an dernier, avec mon épouse, nous avions visité ce jardin et j’avais stupéfait notre hôtesse en lui précisant que, sur une photo ancienne mise en exposition dans un appentis, qu’il s’agissait de ma famille ! Autrefois, cette demeure était la gendarmerie du canton. La photo a été prise en 1918 : mon grand-père tient par sa main, à gauche un de mes oncles et à droite, mon père. Après l’Armistice et le traité de Versailles, ma famille ira en garnison dans la Ruhr jusqu’en 1924. Mon père et mes oncles retourneront contre leur gré en Allemagne de 1940 à 1945 !
Je traverse le bourg que les commerces ont déserté. Dommage, il y avait là une boucherie-charcuterie qui proposait un boudin blanc qui faisait la renommée du pays. Je grimpe la côte. Sur la gauche, la petite rue du Moulin à tan où se trouve la maison de famille, celle où mes grands-parents ont pris leur retraite. J’y suis allé quand mon oncle d’Aubervilliers y séjournait. J’en garde le souvenir d’une maison froide, sans âme. Seules mes escapades avec les cousins vers le ruisseau du bas m’enchantaient.
A la sortie du bourg, je prends à gauche la route de Courtomer, longue ligne droite filante ; ça va bien ! En contrebas, dans un vallon, se trouve un circuit de rallycross de réputation nationale. Un peu plus loin, sur la droite, cette fois, il s’agit d’un circuit de karting à Aulnay-les-Bois, lui aussi de même notoriété. Peu importe, je file sur la bonne route pour atteindre les « cinq routes », carrefour emblématique de la région où un café-restaurant-station essence servait de point de ralliement à tous les traine-goudron du coin. Désormais, celui-ci est fermé. Rapidement, j’arrive surCourtomer. A l’entrée du bourg, j’avise une maison, c’était celle d’une lointaine cousine.
Je me souviens d’un mémorable repas de communion alors que j’étais gamin. Nous avions dû sortir de table bien après les 5 h ! Une langue sauce piquante demeure mon seul souvenir gustatif de cette fête. Je ne vais pas pousser jusqu’à l’Ermitage, c’est en dehors du village et pas sur ma route. L’Ermitage, c’est là que vivaient mon oncle Marcel et ma tante Régine. A l’époque, nous n’avions guère d’occasions pour sortir, aussi, lorsque nous allions en visite chez eux, c’étaient de bons moments !
A la sortie, je passe devant le château de Courtomer puis j’attaque une longue pente qui franchit les Monts d’Amain (269m). Petite allure pour admirer le paysage et observer la flore des fossés. En cette saison finissante, l’épilobe de Saint-Antoine, la grande consoude et l’eupatoire à feuilles de chanvre en sont les principaux hôtes. A partir de là, le pays se fait cheval, ce ne sera qu’une succession de haras plus ou moins importants.
J’observe avec attention les prés sur ma droite, essayant de raviver ma mémoire. Mais je ne vais pas retrouver celui qui avait marqué mon enfance. Précisément, lorsque nous allions donc à l’Ermitage, mon père, venant d’Exmes, empruntait cette route. Et sur la gauche, dans ce fameux pré, j’avais la vision d’un enchevêtrement de carcasses rouillées de chars, de camions, d’avions fracassés, entreposées là depuis la dernière guerre ; j’étais fasciné par ce spectacle et certainement troublé inconsciemment par le sort sinistre des occupants de ces ferrailles tordues.
Le pays du Merlerault s’ouvre à moi. Il est passé une heure et je commence à avoir une petite faim ! Juste avant le bourg, un grand bâtiment flanqué d’une tour assez incongrue se dresse en haut d’un tertre, il s’agit du haras de la Soudarderie. Il est en bien piètre état !
Je m’installe sur la place la mairie pour me restaurer. Une des dernières fois où je suis passé au Merlerault remonte à 2009 ; c’était à une occasion bien particulière puisqu’il s’agissait du relais 12.5 Ultrafondus Méga Toff. J’étais en compagnie de Sylvain, il devait être dans les 5 h du matin et avions dans les jambes un peu plus de 50 bornes et il devait en rester une petite quinzaine avant le prochain relais !
Requinqué, je continue mon périple toujours plein nord ! Insidieusement, le paysage se transforme. Une côte me fait quitter la plaine du Merlerault pour pénétrer dans un pays bocager plus vallonné. L’habitat lui-même se modifie, c’est celui du pays d’Auge dont je suis à l’extrémité sud. Les constructions sont en brique, ou en brique et parements de pierre pour les plus aisées, ou en torchis et colombages pour les plus humbles.
J’atteins le carrefour avec la route de Gacé à Exmes. Une fois, mon père, en voiture, y avait écrasé une poule. Trop honnête, il s’était arrêté et avait du rembourser au fermier du coin le volatile écrabouillé. En bord de route, les belles demeures succèdent aux belles demeures !
J’arrive en pays de connaissance puisqu’il s’agit du village où je suis né dans une maison d’école.
J’ai toujours un sentiment étrange quand je pénètre dans ce territoire que le temps a sacralisé. Les images de mon enfance se superposent à celles d’aujourd’hui. Il ne reste plus que des fantômes. Je descends vers le bourg et, soudain, une vision étonnante s’offre à moi. Pas de tôles tordues mais deux chars en parfait état trônent sur la place. Je suis un peu ahuri par ce spectacle. J’en reconnais un, il s’agit du Montereau, un char qui a été restauré et qui est basé habituellement à Alençon.
Je monte à la petite école. Exmes est une belle endormie, ce village possède une richesse patrimoniale exceptionnelle mais il n’a pas encore trouvé de prince charmant pour le réveiller !
A la sortie du bourg, la vue est toujours aussi exceptionnelle sur la forêt en contrebas qui abrite le haras du Pin.
Bonne descente mais un peu frustrant, pas assez de dents à mon grand plateau pour aller plus vite ! Il y a plus d’un mois, ce sont les coureurs du Tour de France qui dévalaient cette petite route. J’arrive sur le territoire du haras de Pin. Sur ma gauche, une très longue allée qui mène à l’hippodrome de la Bergerie et au-delà, j’ai toujours trouvé cette perspective étourdissante pourtant bien que banale.
Au bord de la nationale, dans le virage se trouve le restaurant de la Tête-au-Loup. Il est des lieux-dits au nom évocateur, celui-ci en est un. Cela dit, on y mange très bien pour un coût raisonnable ! Je vais pousser jusqu’au château pour la photo. Incontestablement, ça a de la gueule ! Je redescends prendre la route d’Almenêches. Le quartier est en effervescence, en effet après les championnats du monde de l’an dernier, le site accueille un concours complet international. L’ensemble des installations est particulièrement impressionnant.
Maintenant, c’est un retour tranquille dans un air qui s’est réchauffé, les vaches normandes, les chaumes, Almenêches, Médavy et son château, puis c’est celui d’O, magnifique petit bijou renaissance, visitable seulement les après-midi d’août.
Après Mortrée, sur la route de la forêt, un petit malappris me double avec son VTT trop grand pour lui. De temps en temps, il se retourne pour voir si je le suis ! J’ai près de cent bornes dans les jambes et j’ai encore la côte de la Croix-Médavy à franchir, je ne vais certainement pas m’épuiser à courser cet insolent. Je ne résiste pas au plaisir de photographier le panneau indicateur du village du Cercueil !
2,5 km de côte, j’y vais doux ! Ça passe bien et j’atteins le sommet où trône un autre char, décidemment ! C’est aussi l’arrivée d’une des courses les plus emblématiques de l’Ouest, Alençon-Médavy : 15,6 km, une montée de 4,5 pour finir au milieu de nulle part, en pleine forêt !
Je bascule dans la descente et me fais plaisir à dévaler la route. En bas, je file vers Colombiers et Lonrai. Je regagne Damigny après une sortie de 5 h 20 pour un peu plus de 110 km .