Par Mustang - 31-10-2008 21:25:36 - 10 commentaires
Le retour
Ce dernier matin d’octobre, je prends la route seul. Mireille, pour une fois, ne m’accompagne pas, elle reste au chevet de ma dernière fille qui s’est fait enlever ses quatre dents de sagesse, hier. Le temps est magnifiquement maussade, un vrai temps de novembre, gris et humide. Le ciel est bas mais, malgré cela, il n’arrive pas à éteindre les feuillages flamboyants des arbres. J’ai pris la route d’Essai. A hauteur du haras de Bois-Roussel, j’aperçois deux sulkys à l’entraînement sur la piste. Je ralentis pour admirer les attelages légers lancés à vive allure. Cependant, je suis trop loin pour entendre le martellement des sabots sur la cendrée.
J’arrive à l’entrée du bourg et me gare le long du cimetière. Toute la famille est là. Je fais le tour des cinq tombes. L’endroit est net depuis que les reprises de concessions ont été effectuées. Il y a perdu son âme. Je dépose, comme il se doit, des fleurs. Je prends le temps de me remémorer les visages des disparus, de réécouter leur voix, d’évoquer des moments doux. Je suis seul dans ce cimetière ouvert sur la campagne.
Je regagne la voiture. A l’intersection, je jette juste un coup d’œil à droite à la vieille gendarmerie où est né mon père. Je file vers Sées puis Nonant-le-Pin. Aussitôt, après ce bourg endormi, le paysage se fait définitivement cheval. Les près sont clos de lisses brunes ou blanches. Quelques pur-sang affrontent, stoïques, le léger crachin. Certains ont droit à un paletot. J’arrive au Pin-au-Haras. Je suis sur les terres de mon enfance. Je m’arrête à la Tête-au-Loup. Je vais marcher sur cette monumentale allée rectiligne bordée par la forêt. La perspective est toujours absolument saisissante. Il y a déjà bien longtemps que les chevaux ne sautent plus, hélas, les obstacles le long de cette voie qui conduit à l’hippodrome de la Bergerie.
Je reviens sur mes pas. Les bâtiments en briques rouges du Haras du Pin se dressent dans le virage non loin. A nouveau en voiture, je quitte la forêt pour entreprendre la montée vers Exmes. Je roule lentement, l’étroitesse de la route y contribue mais j’ai surtout envie de prendre mon temps pour retrouver mes paysages. La route grimpe en lacets légers vers le sommet de la colline où se dresse le village qui m’a vu naître.
Dans le dernier virage très serré, se trouve, immuable le petit square bordé de barrières blanches en ciment. Elles y sont depuis toujours. Cependant, la partie centrale a été remplacée par des rondins de bois. C’est incongru. Mais qui se souvient encore que l’entrée de ce jardinet était défendue par un tourniquet, aujourd’hui disparu ? Ce jardin, tel la proue d’un navire domine la vallée en contrebas et la forêt à l’horizon. Je me gare et rejoins cet autre cimetière. L’allée qui y conduit est très relevée. Une main courante sur le côté en facilite l’ascension. Je me recueille devant la tombe de mes grands-parents maternels que je n’ai pas connus. A la différence de celui d’Essai, ce cimetière reste encombré, touffu de tombes en tout genre. Tous ces gens que j’ai connus sont là ! Mon enfance git là sous la pierre. En gagnant, le fond de l’enclos, je lis les noms inscrits dans la pierre, ils me sont tous familiers ! J’y ai même des copains d’enfance : Philippe B, le rouquin dont j’ai aperçu la ferme tout à l’heure en montant, Dominique T, le fils du gendarme. Jacques, tu es là aussi! Une vision de cour de récréation passe soudain devant mes yeux. J’arrive enfin devant une petite tombe, recouverte des feuillages du grand frêne proche qui s’abandonne à l’hiver. C’est celle de ma petite-grande sœur ! Je n’ai d’elle que des photos. Pour mon frère, il ne reste plus rien, disparu dans la tourmente. S’il avait vécu, je ne serai sans doute pas là !
Je remonte en voiture pour faire un tour du village. Les rues sont étroites. C’est un village moribond. La moitié des maisons sont vides ou abandonnées. Autrefois, les commerces étaient nombreux. Je contourne l’église si particulière de ce village, une nef romane basse greffée à un cœur gothique magistral. Le long de la place, sous les arbres, quelques vieilles demeures gardent leur cachet. J’arrive devant la petite école. Elle est à vendre ! J’ai un vrai pincement au cœur. A côté se trouvent les anciens bains publics où j’allais une fois par semaine. La rue redescend vers le centre du bourg. Je passe devant l’ancienne graineterie qui est à l’abandon. Les odeurs si particulières de ce magasin me reviennent en mémoire. Je me souviens que, lorsque les lapines mettaient bas, mon père m’autorisait en pleine classe à aller chercher des granulés avec un copain ! J’arrive sur la place du bas. Il est tard. On m’attend. Je ne vais pas avoir le temps de monter au faubourg voir l’autre école où je suis né. Tant pis, ce sera pour une autre fois. Je prends la route d’Argentan. Le ciel est toujours aussi gris mais c’est un temps de saison, n’est-ce pas ?
Par Mustang - 28-10-2008 13:56:44 - 6 commentaires
Chère T…
Me voici de nouveau dans cette douce France dont j’ai rêvé durant cinq longues années. J’ai retrouvé tout le monde en parfaite santé et la maison d’Essai s’est rempli de cris et de chants. Les figures ont peu changé, les caractères non plus. Essai s’est peuplé de nouveaux « normands » mais les restrictions alimentaires s’y font si peu sentir !
Il est possible chère T… que tu me reconnaisses, j’ai parait-il peu changé mais il est difficile de départager dans cette allégation, la vérité et le « mensonge béni ». Quant à moi, je ne te reconnaîtrai qu’après-coup car la dernière fois que je t’ai vue tu étais encore toute petite.
J’espère avoir l’occasion de vous revoir tous, soit ici, soit à Paris que j’irai revoir les 17,18 et 19 juin. Sans doute irai-je à Savigny.
Quelle belle vie que celle d’ici. Pour moi surtout qui ai vécu en Saxe et en Silésie durant cinq ans, tu ne peux savoir combien j’apprécie la somptuosité du paysage, sa variété et la constante affabilité des gens. Songe aussi que je pesais 48 kilos lorsque les Russes me délivrèrent et me voici déjà à 60, à grands renforts de crème, beurre, fromages, etc… Nous parlons de vous hélas, qui ne connaissez guère tout cela !
J’ai encore beaucoup de choses à vous dire mais j’espère le faire de vive voix. Tout le monde vous donne le bonjour et vous embrasse affectueusement.
J.
Par Mustang - 06-10-2008 23:08:46 - 13 commentaires
Quelquefois, le hasard est heureux.
J'ai saisi cet instant au km 12 du semi d'Argentan.
Vraiment, certaines photos ont parfois un côté magique.
Instant d'éternité