KikouBlog de Mustang - Juillet 2011
Mustang

Aucune participation prévue dans les 8 semaines à venir.

Sa fiche

Archives Juillet 2011

Une balade pyrénéenne

Par Mustang - 27-07-2011 23:41:33 - 12 commentaires

Une balade  pyrénéenne

 

                   Dimanche 17 juillet: du barrage du Tech ( 1 207 m)  au refuge du Miguélou (2 278 m)

 Nous  ne sommes  pas en avance,  il faut dire qu’une  pluie  battante s’est abattue  sur  la région depuis  le  milieu de  la  nuit. Le réveil a sonné à 7 h mais Mireille et  moi avons traîné chez notre  hôte à Villelongue si bien que  nous  prenons  la route plus tard que  prévu ; Il est  près de  10 h quand nous arrivons au  parking du  barrage du Tech au-dessus d’Arrens-Marsous. Maintenant  la  pluie est fine mais ce  n’est  guère encourageant de  partir. Mireille est angoissée à la fois  par  mon  périple et  par  la route qui  l’attend pour remonter seule en Normandie. C’est  la  première fois que  nous  nous quittons depuis 33 ans ! Je  m’en veux de  la  mettre dans cette situation mais elle comprend  mon  projet même si  elle ne  l’accepte  pas vraiment.

10h15,  je regarde  intensément  la voiture qui s’éloigne ;  même après qu’elle eut disparu,  je reste quelques instants  à contempler la route vide. Les dés sont  jetés.

Mon sac est  lourd, trop  lourd, dans  les  20 kg dont  près de 5 kg de  nourriture. Ce qui est réconfortant d’une certaine  manière, c’est que plus  mon  périple avancera,  plus  il s’allègera ! J’ai sur  le dos un t-shirt,  une  polaire Millet et  ma  veste Haglöfs. Tout de suite,  le chemin s’élève sous  les arbres ; Finalement,  j’ai chaud. Je  m’arrête  pour  ôter  ma  polaire. Je  progresse dans  les  nuages cependant  j’ai  une  bonne visibilité pour  l’environnement  proche. Tout en  montant,  je cogite : est-ce bien raisonnable, ce que  je fais ? Le chemin s’élève assez rapidement. Je croise deux  jeunes  pêcheurs qui redescendent des  lacs. Seuls,  les  iris  bleus,  les grandes gentianes jaunes et autres  fleurs apportent de  la  lumière dans cette grisaille. La  pluie semble cesser mais  l’humidité est totale. Au fur et à  mesure que  je  m’élève, la sapinière laisse  la  place  à la  pelouse alpine. Dans  l’herbe  mouillée, j’aperçois  une belle salamandre  jaune et  noire. Vers  13h,  j’effectue  ma  pause-déjeuner : viande fumée et  pain. Je prends également  le temps de chauffer de  l’eau  pour  une semoule ; ce sera  mon type de repas du  midi.

 

 

 

A son tour,  la  pelouse disparaît,  l’univers dans  lequel  j’évolue devient  tout  à fait  minéral. Je  progresse très  lentement mais  peu  importe. J’atteins enfin  le  lac de Pouey Lau – altitude  2 346 m et  5 km de  parcourus. Je sens  le soleil derrière  les  nuages. J’entends  les clochettes d’un troupeau de  moutons. Leurs sonnailles  vont  m’accompagner dans  l’ascension du col de  l’Hospitalet  particulièrement raide. Déjà les  premiers névés ! Au col – 2 548 m,  les  nuages s’amoncellent. Succède ensuite  un court  passage  plat qui est  un répit puis c’est  la descente  vers  le  lac de  barrage du Miguélou. Et quelle descente dans  une  pente très raide mais  le sentier trace de  nombreux  lacets afin de  perdre  rapidement de  l’altitude. Les  marmottes sifflent  à qui  mieux-mieux pour signaler  mon approche ! Quelques virages caillouteux  ne sont  pas évidents  à  négocier avec  mon sac qui est  mal ajusté. Les sangles que  j’avais  pourtant resserrées se sont  un  peu détendues et donnent du  balan au sac. J’y vais avec  prudence. Enfin,  j’arrive au  lac. Il est  16h30. Le col d’Artouste est donné en  1h30. J’en vois  les lacets supérieurs du sentier qui y accède car  le ciel s’est dégagé mais  le refuge d’Arrémoulit est encore bien  loin. Celui du Migouélou  me tend  les bras ! Humm,  cela fait  plus de  6 heures que  je  marche avec  un D+ de  1 139m. 10,10 €  la nuit ? Vendu !

 Le refuge est tenu  par un  jeune couple. Je suis  le seul client car  je suis  sur  un  itinéraire  peu fréquenté et  la  météo n’incite  pas  à la  balade ! Je  prends  un café et vais ensuite  installer  mes affaires dans  le dortoir pour  moi tout seul ! J’ai  le privilège de dormir  face au col d’Artouste sur  fond de ciel bleu ce soir ! Je redescends  dans  la salle  pour  préparer  mon repas simple : soupe,  purée, quelques tranches de viande et  pain d’épice. Ce sera  mon  ordinaire du soir. Petite toilette et coucher  à  20 h ! Le ciel se couvre. Ma  nuit  n’est  pas terrible :  le toubib  qui me suit  a eu  la bonne  idée de changer  mon traitement juste avant  les vacances alors que  je devais  être tranquille au  moins  un an ! Il a  préféré changer de stratégie thérapeutique au vu de dernières  informations. Ok  mais gare aux effets secondaires: bouffées de chaleur et  insomnie ! J’y donne en plein. Ce  ne sera  pas  un vrai sommeil, juste de  la somnolence si  bien que, de  ma couchette,  je  peux assister à l’embrasement  matinal des sommets que  me font face  par  le soleil qui s’élève dans  le ciel.

Bilan du  premier  jour: 9 km et 1 139 m de D+

 

      Lundi  18 juillet : du  refuge du Miguélou (2 278 m)  à l’ibón de las Ranas (2 259 m)

 

Lever vers  7 h. Toilette simple au lavabo puis  je vais prendre  mon  petit-déjeuner que  je  prépare dans  la salle commune :  lait en  poudre sucré  mélangé avec du muesli  et  un café. Là aussi, ce sera la  même chose chaque  matin.  Je discute  un  peu avec la compagne du  garde. Un  petit  mot sur  le cahier du refuge et je  pars.

8h30. Il a gelé cette  nuit car la boue du sentier est dure, irisée de glace. L’air est vif.  En  principe, pas de souci,  le chemin est tout tracé. Mais  je  me trompe abusé  par des cairns intempestifs. Je  perds  la trace et commence  à  jardiner dans  les éboulis. Je vise  le  col que  j’aperçois ainsi que  les  lacets du chemin qui y conduisent. Mais  je galère dans  les rochers. Je tente  ma chance dans  un  petit thalweg relevé. Je  le remonte sur  une dizaine de  mètres mais c’est  une  impasse. Je redescends et continue  à  progresser  tant bien que  mal dans  un chaos de blocs rocheux. J’atteins  un éboulis que  je traverse  puis remonte en bordure sur  le gazon. Enfin,  je rejoins  la  piste et de là,  peux voir le bon tracé en-dessous. Grrr, quel ballot !  La  montée en lacets vers  le col d’Artouste se fait sans  problème désormais – altitude  2 472m.

 

 

Puis c’est  la descente dans  un vallon  minéral, dominé  par  le  Pic de  la Lie. La  pente est  particulièrement raide mais  le sentier  en  lacets est  bien  net. A  priori,  pas de souci ! Cependant quelques passages délicats nécessitent de  l’attention. J’aperçois le chemin en bas,  j’aimerais bien  y  être déjà. A  mi-pente, le sentier est coupé et  il  me faut  m’engager dans  une cheminée sur  4-5 mètres ! Je  ne suis  pas  à mon affaire avec  mon sac. J’y vais avec beaucoup de  prudence. Mes bâtons  me gênent car  je dois me tenir  à la paroi avec  les  mains. Ouf,  l’obstacle est  passé ! ( La  meilleure conduite aurait été de descendre  mon sac avec  la corde que  j’ai emportée et ensuite de  passer  l’obstacle  à vide !). Encore quelques  lacets et  la piste s’engage à flanc vers  les  petits  lacs de Carnau (2 202m). J’y effectue  une  halte en  me restaurant de  bananes séchées. Un  mouton vient  me rendre visite et avale goulument  le  morceau de  banane que  le  lui offre !

 

 

Je  progresse à  flanc dans  un sentier sans trop de difficultés mais il faut  toujours être attentif  à la  pose du  pied, ce sera  le cas toute  la  journée. J’ai retrouvé  la végétation : gazon, arbustes, gentianes acaules. D’où je suis,  je domine une  longue vallée qui file vers  le nord-ouest. Sur son flanc sud, progresse  le  petit train jaune à crémaillère d’Artouste. La  journée est belle, les  touristes sont  nombreux à en  profiter. D’ailleurs  j’en croise quelques uns qui  montent en excursion vers  le col.

 

 

 

Il est  12h quand  j’arrive au-dessus du barrage. Je  m’installe  pour déjeuner au centre d’un panorama superbe. Puis  je reprends  ma route en passant sur  le barrage (1 997m) et  je  m’engage sur  le chemin qui conduit aux  lacs d’Arrémoulit. Je  longe le  très  beau lac aux eaux turquoise et commence  l’ascension. Pas de souci,  le chemin en lacets est très  net. Je croise de  nombreux randonneurs. J’atteins le refuge vers  14h30. Je recharge en eau. Je  m’informe de  la  météo auprès du gardien. La  nuit  va  être agitée : pluies et ciel de traîne ensuite. Je discute avec  un  jeune du refuge qui  m’indique le tracé vers  le col d’Arrémoulit qui est selon  lui bien cairné. Il ajoute que  la descente est raide ! Et  pourtant,  nous étions  passés  par  là en  2003 :  nous étions venus de Respomuso, avions contourné les  lacs d’Arriel  par  l’Est  puis étions  montés au col Palas, descendus  à Arrémoulit, remonté au col du  même  nom et redescendus sur Arriel. Mais  la situation  n’était  pas  la  même sans sac  et  le fait d’être seul change  les appréciations!!!

 

 

 

Bon, c’est parti. Je contourne le  lac et commence  l’ascension dans de gros éboulis. Effectivement,  les cairns  sont bien présents et  il  n’y a pas de souci à grimper. Je croise là aussi des randonneurs  montés  pour  le coup d’œil. J’arrive au col (2 448 m). Deux  jeunes espagnols se restaurent en admirant  le  paysage. Je  m’engage dans  la descente vers  les  lacs d’Arriel. Le tout début est sans  problème. J’arrive  à  un épaulement puis c’est  la dégringolade ! Ouhouh ! Le sentier est dans  la  pente très  très relevée. Je  n’ai pas  le choix. De suite,  j’arrive sur  une difficulté : une  marche d’un  mètre à franchir. Pas vraiment de quoi m’agripper sur  la  paroi. Ça va  être chaud ! Et  ça  l’est ! Je suis  passé. Je continue  ma descente bien soulagé. Si ça reste très technique il  n’y a plus de souci  majeur. Je suis rejoins  par  les deux Espagnols qui  ont du  me voir en difficulté  plus  haut. Ils  m’accompagnent dans  la descente,  le  premier  m’indiquant de temps en temps  où poser  mes  pieds.

 

 

 

Nous voilà en bas. Je regarde en arrière la voie  par  laquelle je suis descendu : pour  être relevé, c’est du relevé ! Nous continuons dans un chaos de  gros rochers pour atteindre  le sud du  lac. Enfin,  un bon chemin sur  la rive  ouest du  premier  lac.  Le temps se couvre. Je suis fatigué. Ne  maîtrisant  pas  l’espagnol et eux  le français,  nous échangeons en anglais.  Je  leur  indique  mon objectif et  leur décrit  mon  périple. Au déversoir du dernier  laquet, nous  nous quittons. Ils redescendent dans  la vallée vers Sallant de Gallego,  moi  je continue vers Respomuso par  le GR11.

 

 

 

C’est  interminable. Le chemin très beau domine une vallée profonde et étroite. Mes arrêts sont fréquents  pour  me reposer. Un isard et son  petit  broutent  à quelques  mètres de  moi. Ce spectacle  me redonne du cœur  pour avancer. Enfin,  j’aperçois  le  barrage (2 121 m) puis  le refuge mais  le chemin remonte  pour  y accéder. Arf ! Je  le dépasse car  j’ai  l’intention de bivouaquer quelques centaines de  mètres  plus  loin. D’ailleurs, d’autres randonneurs  l’ont fait. Je suis épuisé. J’arrive enfin au lac des Grenouilles. Je cherche  un endroit approprié à l’abri du vent et de  l’eau. Il est  19h30 passé: 11 h de  marche. Je  monte  la tente et  prépare  mon repas.

 

 

 

La  nuit  ne va pas être calme à cause du temps : le vent souffle en rafale et la  pluie  l’accompagne.

Bilan du deuxième jour : 21 km et 645 m de D+

 

mardi  19  juillet : de l’ibón de las Ranas (2 259 m) au refuge Wallon (1 865 m)

 

La  nuit fut agitée  à cause du vent. Cependant, j’ai  pu dormir  par  intervalles. Ce sont  les grands coups de vent  qui  me réveillaient. Je  les entendais  puis aussitôt  la toile  de ma tente claquait. J’avais décidé de  rester  ici  une  journée  à me reposer. Aussi,  je  paresse au  lit ! Surtout qu’au  petit matin,  la  pluie s’est  mise  à tomber. Mais ensuite  un  peu de soleil a donné. Je sens sa chaleur sous  la tente. Des vaches blanches viennent me rendre visite bruyamment à grands coups de cloche. Finalement,  je décide de  me  lever. Le temps est chagrin. Je vais faire  ma toilette dans  le  lac. L’air est glacial mais tant pis, torse  nu et  le reste pour  un coup de gant savonné afin de  ne  pas trop sentir  mauvais. Je  me prépare  le  petit déjeuner,  il est  passé  10 heures. Ce  matin,  j’étais encore décidé à rester  mais vu  le temps,  j’ai envie de rejoindre  le refuge Wallon.

Allez,  hop ! Je range tout  mon bazar dans  le sac. Il est 11 heures quand  je  prends  le départ vers  le col de  la Fache. Le ciel est  très changeant. Les sommets environnants sont  le  plus souvent dans  les  nuages. Je dépasse  le  barrage de Campo Plano qui  n’a pas été  mis en service,  maintenant  c’est  un rempart  dérisoire au  milieu d’une  plaine désolée. Sur  ma gauche, je vois  le col de  la Peyre Saint-Martin par  lequel  nous étions venus en  2003 pour  notre  précédent  bivouac. Je croise  quatre randonneurs espagnols. Hola !

De  les croiser  m’a perturbé car  je  m’engage rive droite du torrent qui descend du col de  la Fache. Je  m’en aperçois bientôt et je fais demi-tour pour reprendre  le bon chemin. De toute façon, je  n’avais qu’à faire attention car  le chemin est signalé sur  un gros rocher. Je suis bien couvert avec  ma  polaire et ma veste, ce  matos  me  protège bien du froid et de  la  pluie !

Au début, la  piste qui s’élève  n’est pas difficile mais  à  mesure qu’elle s’engage dans  le  barranco  où gronde le torrent, il faut  prêter de l’attention car  le sentier sur  un flanc très relevé. Je croise  un  premier couple de randonneurs à la  mine sombre, hola !  Puis en second ; je  m’enquiers des conditions  météo là-haut, au col. La randonneuse  me rembarre en disant « c’est la  montagne ! ». Merci madame. Je  monte doucement. J’ai encore la fatigue d’hier dans  les  jambes. J’aperçois de temps en temps  la Grande Fache (3009m). Son sommet blanchit.  En effet,  la  neige devient de  plus en  plus  intense même si elle  ne tient  pas au sol où je  me trouve. Le terrain change. La  piste  monte de  plus en  plus sévèrement dans  les éboulis. Je  peine,  le souffle court. Mon sac  me  gène  pour respirer. De  nouveau, un couple de randonneurs descend du col. Ce sont des Allemands. La jeune femme  parle  français. On  prend  le temps le temps d’échanger un  peu. Ils  ont pris  le risque de  monter  au sommet de  la Grande Fache malgré  les  mauvaises conditions  météo.

De temps en temps,  je  jette  un coup d’œil vers  le  haut. J’ai  la  notion du temps mais  je gravis  lentement sachant quelque soit  mon allure, j’avance. Enfin,  j’atteins non  pas  le col  mais  un replat. Je traverse  un court  névé pour  longer  un  des  ibones de la Faixa. Je  m’égare  un peu dans  les éboulis. Il faut être très vigilant pour  ne  pas se  perdre dans cette  pierraille. Je remonte dans  la  pente  pour  passer au-dessus du lac. La  piste est  barrée par deux  névés. J’aborde le  premier  pas très rassuré  puis  le second. Le fait d’être totalement seul amplifie  ma  prudence. J’ai quoi…  une vingtaine de  mètres  à  parcourir. Mais ce  névé  pentu conduit directement au lac ! Je  n’ai pas  le choix, de toute façon, je savais qu’il était  là et  je  l’ai déjà traversé deux fois en d’autres temps.  Mais là,  je suis absolument seul dans ce  monde glacé. J’ai sans doute  peur,  je dis sans doute car  je  m’imagine avoir  peur autrement. De  l’appréhension certes… Si, de  la  peur ! Allez,  je  pose  le  premier  pas en marquant  bien  la trace d’un bon coup de semelle pour assurer  l’appui. Je  me cramponne  à mes bâtons. Je  ne regarde pas  à gauche vers  le vide  ni devant. Je  me fixe que  les  prochaines traces dans  la  neige. Je  progresse lentement,  l’esprit vide. Je  lève  les  yeux, voilà, c’est  la fin du névé. En fait, c’est comme  le reste, juste  un  peu d’attention. Un  peu  plus  loin,  je  me retourne pour  mon contempler avec  un lâche soulagement  ce névé, finalement,  obstacle bien dérisoire…

Me  voilà au  pied de  la dernière difficulté. J’ai encore à gravir quoi… un D+ de 50 m ? Et c’est reparti,  mètre par  mètre, dans  les bourrasques de  neige, je grimpe. Voilà, il est  près de  14 heures,  je suis au col de  la Fache – 2 664 m. je  me  mets  à  l’abri d’un rocher car  le vent souffle très fort et  il  m’a déjà déséquilibré comme  j’atteignais  le col. Satisfaction intense d’être  là. Je  m’arrête  pour  manger malgré  les conditions  météo. J’ai  un grand  moment de bien  être d’être  parvenu  jusque  là. Quel  instant ! Ce sentiment de solitude dans cette  immensité, c’est assez exaltant en fait  pour  moi. Je  mange  un quignon de  pain avec du saucisson. Un  oiseau s’approche de  moi. Je  lui  jette quelques miettes qu’il vient  picorer.

Maintenant, c’est  une  longue,  longue descente vers  le refuge Wallon.  Je réajuste  mon sac pour  la  nième fois. Je descends  la sangle  haute, celle qui retient  les bretelles. Voilà, c’est beaucoup  mieux  pour respirer ! La  neige redouble, entremêlée d’éclaircies ! Le décor est  lugubre  à souhait. Je suis seul,  je continue d’avoir ce sentiment d’exaltation, c’est assez troublant. Quelques  marmottes s’enfuient  à mon approche. Bientôt  le refuge est en vue mais  les  nombreux lacets  pour  y arriver ne  m’en approchent  guère. C’est finalement sur  le  plat que  j’ai  pu  le rejoindre.

J’ai  l’espoir secret qu’il  y ait  une couchette de  libre car je n’ai  pas trop envie de  bivouaquer. Chance,  il  y a de  la  place. Je réserve deux  nuits car  je compte faire  banette demain dans  l’espoir d’une  meilleure  météo. Je  pose  mon sac et  je  prends  un grand café. Puis,  tout  à coup,  l’envie de téléphoner  à  Mireille  me  prend. Le gardien  m’a  indiqué qu’il fallait bien descendre  pour capter  le réseau. Peu  importe, trop envie de  parler. Je chausse  mes trails et  je  m’élance dans  la descente vers Pont d’Espagne. J’ai allumé  mon  portable. Je double  trois randonneurs puis croise  un couple qui  monte. Le  parcours est très technique mais  je retrouve sans difficultés  mes aptitudes de traileur. Je trouve cela grisant  malgré  le  parcours d’aujourd’hui. Cela  me fait  un bon entraînement. Je dois descendre environ  4-5 km pour accrocher  le réseau. Je  parle  longuement  à Mireille puis  à ma fille Oriane. Et  il  me faut remonter ! Je recroise  les trois randonneurs de tout  à  l’heure. Je  m’arrête  pour discuter avec eux.  Eux aussi étaient  partis  pour  la semaine du côté espagnol mais  le  mauvais temps les décourage. Ils arrêtent. Je rejoins  le refuge. Une bonne toilette et  je prépare  mon repas dans  l’annexe du refuge où un dortoir se trouve  à  l’étage par lequel on accède  par  un escalier  métallique en colimaçon. L’endroit est sommaire, en fait cela  me donne  l’effet d’un taudis ! Des Espagnols  préparent  laborieusement  un repas en tenant  une grosse gamelle remplie d’eau en équilibre sur  un  petit réchaud  à gaz qui ne chauffe  pas ! Puis deux  jeunes Françaises arrivent. C’est  plus simple  pour discuter. Je  leur  prête  mon réchaud très performant (!) pour qu’elles fassent bouillir  l’eau  pour la soupe car,  ici, dans ce refuge,  l’eau  n’est pas potable ! Moi,  j’ai  mis du  micropur dans  ma bouteille. Je discute également avec  le couple que  j’ai croisé tout  à  l’heure. De fait,  ils sont de Berlin,  lui est Allemand, et elle, Française. Je vais discuter le  plus souvent avec elle au cours de ces deux  jours car  lui semble  me battre froid. Ach ! Ils  ne sont  pas trop aguerris  pour  la  montagne selon  leurs dires, le temps aussi  les décourage.  Dans  le bâtiment  principal, c’est  une foule bruyante qui  l’occupe.

Bilan du troisième  jour : 12 km plus 9 km footing et 505 m de D+

 

Ma  nuit au refuge

Je dors dans  le petit dortoir de  l’annexe qui compte  18 couchettes serrées  les  unes contre  les autres. D’après le gardien,  je serai en compagnie de  quatre espagnols seulement. Après avoir écrit  le récit de  ma  journée,  je  monte  me coucher vers  20h30. Les Espagnols discutent puis vont s’endormir. Vers  21 h,  deux  jeunes filles viennent s’installer discrètement. Il est  passé  10 heures quand un couple de  jeunes Anglais monte  à son tour dans  le dortoir. Un bon coup de frontale  à  la ronde  pour inspecter  les  lieux. Merci !  L’Anglaise a, comment dire,  une  petite  voix assez « chaude ». Encore quelques allées et venues auxquelles se  joint  un troisième anglais qui redescend  bricoler  en bas. Pendant ce temps,  les deux  jeunes commencent  les  préliminaires ! Oh ! La  montée du troisième met fin à cette activité. C’est  cet  instant que choisit  un des Espagnols pour entamer un  magistral ronflement qui va durer toute  la  nuit ! Ça  promet !  Je  n’ai pas de bouchons d’oreilles que  préconisent tous  les guides de  montagne. J’essaie de faire  le vide. Je sens que  je somnole  mais  pas de vrai sommeil. Vraiment, depuis  le début de  mon  périple,  je suis gâté de ce côté-là ! Ce qui  me console, c’est que  le troisième anglais  ne dort  pas  non  plus,  je  l’entends  pester et se retourner continuellement sur sa couchette.  Au  milieu de  la  nuit,  j’ai bien envie de balancer  un  oreiller au ronfleur. Je  me contente de fouiller  dans  mes affaires  à  la recherche de PQ que  je roule en boule et que  j’enfonce dans  mes oreilles,  l’oreiller  par-dessus et c’est relativement  bon ! Je  m’endors enfin !

Vers  7 heures, les  jeunes filles repartent tout aussi discrètement qu’elles étaient venues, puis ce sont  les Espagnols qui  lèvent  le camp. Les Anglais comme  moi ont visiblement  l’intention de  paresser au  lit. 8h30,  le troisième Anglais se  lève. C’est alors que  le  jeune couple entreprend alors de  terminer ce qu’ils avaient commencé  la veille. Rule Britannia! Euh…. par discrétion,  je  me  lève et vais  préparer  mon  petit déjeuner en bas. Un détail qui  m’amuse beaucoup : le troisième anglais  porte  un bermuda avec  l’inscription Mustang ! Le refuge s’est vidé. je  prends  mon café sur  la terrasse,  j’ai  un des  plus beau spectacles au  monde face  à  moi

 

Mercredi  20 juillet : stand-by au Marcadau

 

Journée rien, en fait, si,  lessive ! Je  prends  mon repas du midi en terrasse, spectateur de  l’agitation du refuge. Un employé du refuge aplatit à coup de  parpaing  les grosses  boites de conserves qu’il charge avec d’autres ordures sur des ânes afin de  les redescendre dans  la vallée.

 

 

Devant  moi, ce  paysage grandiose qui va du Vignemale à l’Ouest à  la Grande Fache  à  l’Est sur fond de ciel  bleu. Dans  le vallon serpente  un torrent de  belle allure que bordent  des  pins  à crochet. Je reste à  paresser  à ma table en buvant  une bière. Les randonneurs arrivent en grand nombre. Un couple âgé s’installe à côté de  moi pour  prendre son repas. Je  parle  très  longuement avec  l’homme qui  me raconte son expérience de  la  montagne qu’il a acquis au travers de ses  pérégrinations à travers  le  monde, et des voyages en général. Cheveux blancs abondants à  la Hemingway, le verbe  facile  même  un  peu hâbleur  il  me semble,  il se raconte avec volubilité. Il a beaucoup bourlingué autour du  monde. Il se  nomme Bernard. Il est  photographe,  il effectue des reportages sur  les  minorités ethniques du  monde et est  membre d’un institut géographique dont  je  n’ai pas retenu  l’intitulé exact. C’est  un grand randonneur  mais  maintenant  il est en délicatesse avec son genou droit. Cela le chagrine beaucoup car  il ne  plus marcher comme  il veut ! De temps en temps, il se retourne vers son épouse silencieuse  comme  pour avoir son assentiment sur ce qu’il dit, celle-ci se contentant d’opiner de  la tête ! Moi aussi,  je  me raconte. Je  lui  parle de  mon vertige qui selon  lui  ne serait en fait que de  l’appréhension. Je suis bien prêt  à le croire. A sa demande,  je  les  photographie sur fond de Vignemale puis  il  me tire  le  portrait avec son appareil ! Ils s’en vont. Je continue  ma  journée  à  lézarder  à ma table en sirotant  une deuxième  kro ( quel courage que de siroter  une Kronenbourg mais j’étais  prêt en tout en venant  ici !). Le  linge sur  la rambarde sèche au soleil généreux qui  me donne des regrets de  ne  pas avoir entrepris de  marche !

Ma sieste est  interrompue par  une famille, deux grands-parents et  leurs deux  petites filles. Bien sûr,  nous engageons  la conversation. Cela  me fait  l’effet d’être comme Forrest Gump assis sur son banc ! Ils sont  montés au Marcadau pour  montrer la  montagne  à  leurs  petites filles qu’elles  ne connaissent qu’en  hiver  pour  le ski. Ils  ont deux grands fils avec qui  ils  ont beaucoup randonné et  bivouaqué quand  ils étaient  jeunes. Aussi,  ils se désolent que  leur aîné ne fasse  plus rien de tout cela. Aussi,  ils  ont amené les fillettes afin d’éveiller  leurs sens  mais  ils  ne se font guère d’illusion. Le  mois dernier,  ils  ont randonné en Corse  le  long de  la côte, toujours avec  la tente.

Je soigne  mes  petits bobos, entre autre,  une  méga ampoule à l’orteil  gauche  malgré  le  pommadage  à  la Nok. Je tranche dans  le vif  à coup de ciseau !

Il est  16h30,  les randonneurs arrivent en  nombre de toutes  les  nationalités. Des Scandinaves  vont se jeter  à  poil dans  le torrent  pour se rafraichir ! La faune randonneuse est  pittoresque.

 

 

 

 

Jeudi  21 juillet : du refuge Wallon (1 865m)  au refuge des Oulettes de Gaube (2 151 m)

 

Une excellente  nuit, seul dans  mon dortoir. Enfin !

J’ai  pris  la décision de descendre  par Pont d’Espagne. Le col des Mulets  ne  me dit rien qui vaille. En fait,  j’ai  un  peu  la  pression avec ce col. Un copain m’a dit qu’il avait eu des frayeurs avec. Pas trop envie de gamberger. Je sais, c’est  un  peu  lâche.

 

 

 

Direction dont Pont d’Espagne. Le  plafond est  très  bas,  pourtant  le soleil semble  vouloir  percer  par  moment. Comme  je descends,  je vais rester dans  la crasse toute  la  journée ! La descente est agréable. Au fur et  à  mesure que  je descends,  je croise de  nombreux  randonneurs. Je  n’avais  plus de souvenirs du site. Pourtant, il est grandiose avec  la Grande Cascade. Je résiste  à la terrasse de café et vais rejoindre  le GR10 qui  monte au  lac de Gaube. Je  marque  un arrêt  pour téléphoner à Mireille et envoyer quelques sms. Je  lis également ceux qui  me sont adressés par  les copains. Celui de Thomas d’Alençon  m’émeut beaucoup. Un autre Thomas qui est  à Pau me  propose   de  m’accompagner sur  une étape. Je  lui téléphone pour en discuter  mais  pas évident à mettre sur  pied. On verra  ça samedi quand je serai à Gavarnie. Je  ne me souvenais non  plus comme  la  montée vers  le  lac était si raide avec ses grandes  marches en  pierre. Euh, c’est ça  la  montagne comme aurait dit  la dame de la Grande Fache ! Les randonneurs sont  nombreux malgré  le temps. Vers  13h30,  je casse  la croûte et reprends ensuite  mon ascension, vaille que vaille. Je  progresse dans  les  nuages avec  une visibilité  à  100 m,  pas  plus ! J’arrive enfin au  lac de Gaube. La vue est  jolie,  particulièrement de la  partie sud  pour  peu qu’on se soit élevé  pour  y voir  le torrent s’y jeter. Je salue tous les randonneurs. D’ailleurs, c’est  un  jeu assez amusant. Certains visiblement n’en  ont  pas envie,  la  mine chafouine ; d’autres, au contraire,  ont  le visage  ouvert. Ce  matin, en descendant,  j’avais croisé  un groupe de garçons scouts qui  m’avait  salué. Là,  je croise un groupe de filles scoutes. Rien,  pas  un regard,  bégueules va ! La  politesse,  ça ne s’apprend pas chez  les scouts ?? En tout cas, celle  qui  ferme  la  marche – la  plus jeune- est en  pleurs, trottant comme elle peut à la suite de ses devancières qui  l’ignorent.  Ah,  les saines valeurs du scoutisme !

 

Ma  progression est toujours aussi lente. Mon sac  me martyrise le dos. J’essaie  plusieurs réglages de  hauteur. Que le chemin est  long dans  cette crasse. Je  marque des arrêts. Un couple  m’aborde  pour  me demander ce que je fais. Ça fait  plaisir de discuter  5 mn. La visibilité baisse. Arrêt avec des touristes asiatiques pour observer deux  petites  marmottes à 20 m de  nous en contrebas. J’espérais dépasser  le refuge des Oulettes de Gaube  mais  guère de  jus. A des  jeunes,  je demande s’il est  proche. Ils  me répondent qu’il est  à 5 mn et que  le gâteau est  bon.  On  n’y voit  plus rien ! Ouf,  le voilà  mais  il faut grimper  pour  y accéder. Je recroise  le couple de tout  à l’heure qui redescend,  une  poignée de  main  pour se saluer. Allez,  une bonne bière et ce bon gâteau et  je  m’installe en terrasse où il  n’y a rien à voir ! Pourtant,  nous sommes face au Vignemale !

 

 

 

Je redescends trouver un endroit  pour bivouaquer. Pas évident de trouver dans cette  purée. Je  m’aperçois qu’il  me  manque  des sardines. Aie ! C’est comme  à  l’hospice,  manger 18h30, coucher  19h !  Degré d’humidité : 200%.  Mes  poumons se transforment en  branchies. Dans  la  nuit,  j’entends  les séracs dégringoler avec  un grondement sourd du  plus  lugubre effet !

Bilan du quatrième  jour : 19 km et 655 m de D+

 

Vendredi  22 juillet : du refuge des Oulettes de Gaube (2 151 m)  à Gavarnie  (1 365 m)

 

Hier,  il  y avait  41 ans que Neil Amstrong  posait  le  pied sur  la  Lune. Ce  matin, en  montant à Baysselance,  j’ai  un pas aussi  irréel ! Je suis face  à la  muraille  nord du Vignemale. L’air est glacial  mais je suis enfin au-dessus des  nuages. D’autres  nuages  plus  hauts dans  le ciel dessinent un  jeu étrange d’ombres et de  lumières sur cette face colossale. Je regarde autour de  moi le  panorama inouï. Qu’est-ce qui a  poussé  l’homme  à tracer ces  pistes improbables dans ces  montagnes escarpées pour  les franchir ? Quelle  ingéniosité à trouver  le  bon passage ! Quelle  patience et quel travail à les construire ! Tout en grimpant, face  à cette verticalité,  je  me demande  à chaque fois,  mais  par  où vais-je  passer ?

 

 

 

Il est  près de  10 h. Le soleil donne après  une  nuit bien  humide. Ma tente Vaude condense très fortement et  l’eau s’est égouttée sur  mon duvet ! La  montée dans  la  pierraille  continue. Beaucoup de randonneurs fréquentent ce chemin, certains  ont bien du mal à desserrer  les dents  pour dire  bonjour. Ceux qui grimpent vont  beaucoup  plus vite que  moi. Quelle  importance ! Je suis  libre, seulement  prisonnier de  mes sentiments et de  mes rêves.

 

 

Je contemple  le Vignemale. Les derniers cent  mètres sont rudes.   Voilà, enfin la Hourquette d’Ossoue est atteinte (2 734m). Un simple col que franchissent des  milliers de randonneurs chaque année. Qu’importe,  il a beaucoup de valeur  pour  moi, comme  un  passage  à  la recherche des fantômes du  passé.

La  brume vient effacer le Vignemale. D’autres  nuées  montent  à l’assaut des sommets environnants en  puissantes vagues cotonneuses. Un certain  nombre de randonneurs contemple ce spectacle sublime. Un couple  de  jeunes Italiens atteint  le col. Lui  parle  très bien  français avec  ce  joli accent chantant qu’ont  les Italiens. Ils sont déçus car  maintenant  les  nuées cachent  le sommet,  ils en trépignent  presque ! On  prend  le temps de se  parler. Ils  me racontent  leur  périple qui les emmène autour du  massif de Gavarnie,  un  bien  beau programme. Oh,  le sommet se dégage, vite pour  les  photos. On se  photographie  mutuellement avec  nos appareils.

 

Il est  midi quand  j’arrive au refuge de Baysselance, du  nom d’un  président d’autrefois du club alpin  local. Je  me  laisse tenter  par  le  plat  du  jour : omelette aux  oignons et au lard, avec  une  purée. Ce refuge  n’a rien à voir avec celui du Marcadau. Très  propre,  l’intérieur aux  murs  lambrissés de  pin  est très chaleureux. Les  pièces  petites donnent  une atmosphère feutrée  à  l’endroit. Dans  l’autre salle,  trois hommes  jouent aux  cartes  près des étroites fenêtres. Je demeure dans  la  petite  pièce centrale  où trois guides discutent d’un projet. Un tout petit  poêle  à bois appuyé sur  le  mur central donne  une note  bien dérisoire pour chauffer  l’endroit. Dans  la cuisine, une radio diffuse de  la  musique. Des ardoises  aux écritures colorées, posées sur de  petits chevalets ou accrochées aux  murs renseignent sur ce qu’on  peut  manger  ou boire dans ce refuge Le gardien après avoir  pris  ma commande s’entretient avec une Espagnole. il  lui raconte son  passé de grimpeur en  montrant des  photos de  lui en action qui  ornent  les  murs  parmi d’autres des  paysages environnants. Maintenant,  ses doigts  n’ont  plus  la force de  le hisser sur les rochers.

Le  plat vient de  m’être servi : il est  monstrueux ! Cela  me fait tout drôle de saisir une fourchette et  un couteau, c’en est troublant !

 

 

 

Je reprends  mon chemin tout guilleret après avoir fait  le  plein d’eau. La  pente  de  la gorge    mugit  un torrent est forte mais les  lacets sont nombreux. Seul  un passage dans  la  paroi  mérite   de  l’attention. Je suis à  nouveau dans  la crasse, euh…  Je veux dire dans  les  nuages. Dans  la vraie crasse aussi  peut-être ! Vivement  une douche  à Gavarnie !  Je  m’arrête  pour  laisser  la  place  à un groupe qui  monte selon  le code en vigueur.  Une femme du groupe m’interpelle au sujet du gobelet qui est accroché à la bretelle de  mon sac. C’est celui de  la Gazelle. Elle  me demandait s’il s’agissait d’un de ces verres qu’on paie aux fêtes du vin  ou autres  lieux festifs pour boire  à volonté. Alors,  je  leur  parle de cette  jeune fille traileuse tuée dans  un accident de  la route  à Grenoble, du trail  hommage de  l’an dernier chez elle dans  les Monts du Lyonnais, de ce qu’est  un trail, de Dewa Sherpa, de  l’UTMB dont  ils  ont entendu  un  peu  parler, des courses de  montagne dont celle du Vignemale qui va  se dérouler  ici samedi. Je  la ramène  un  peu sur mon passé - glorieux !- de traileur; vrai  plaisir de discuter aves des gens  ouverts et curieux.

 

 

Je reprends  ma route. Me voilà arrivé en bas. Deux  jeunes filles  m’interpellent afin de connaître  l’état du chemin. Elles s’inquiètent de  la  présence de névés. Je  les rassure,  les deux que  je viens de franchir ne  posant  pas de  problème  à priori ( Marc,  plus tard,  me dira  le contraire, comme quoi !!!!). Pendant que  j’écris ces  lignes assis sur  un rocher  près du torrent,  une  marmotte s’ébat  non  loin de  moi. Les  iris  bleus tapissent  les  gazons avec  une intensité que  je  ne connaissais pas. Au barrage d’Ossoue,  je  préfère descendre  par  le chemin plutôt que  par  le GR 10. De toute  manière,  on  ne voit rien. J’avais déjà fait  l’impasse de  passer  par  le col de  la Bernatoire  puis Boucharo  pour voir  la brèche. Quelle déception, c’est de  la  marche  pour  la  marche ! Je commence  à  perdre des  illusions.  Alors autant descendre  le  plus vite  possible à Gavarnie. Et  ça va faire fissa car  un groupe de voitures descend. Les  trois  4x4  espagnols m’ignorent,  mais  le dernier,  un fourgon rouge s’arrête  à  ma  hauteur.  C’est  un guide qui  me propose de  me redescendre  à Gavarnie. Cela  ne se refuse  pas. L’histoire se répète. Ce guide  part dans  les Alpes pour  conduire  des clients sur  le Mont-Blanc et aussi pour rencontrer  un habitué afin de discuter des  modalités d’un treck dans l’Himalaya. Notre conversation est  nonchalante,  on échange quelques bribes de notre  histoire  personnelle.

 

 

 

Me voilà à Gavarnie, cela vaut  bien  une douche chaude mais  pas  plus ! C’est ce qu’il  y a de  pire en matière touristique et marchands du temple ! Direction  le camping. 2€ le  jeton  pour  une douche et  7 mn d’eau chaude,  le bonheur ! La seule activité  à Gavarnie  qui  mérite de  l’attention c’est de regarder où on pose  les  pieds  pour  ne  pas  les  mettre dans  le crottin quand  on déambule dans  les rues ( mon jugement est sévère  à cet  instant,  j’y reviendrai plus tard !).

Bilan de  la  journée : 26 km et 583 m de D+

 

Samedi  23 juillet : Camping La Bergerie (1 380 m)  à  la Grande Cascade (1 768 m)

 

Je  me réveille dans  ma douche, euh non  ma tente où l’eau s’égoutte sur  moi. Le duvet est trempé. Grrr, bravo la tente Power Lizard UL de Vaude. Le  prix  me reste en travers de  la gorge. Le  moral est dans  les chaussettes. Il fait froid. Pourtant  lever  7h30, toilette au camping et bon  petit déjeuner.  Plus tard, dans  la  matinée, je descends en ville rejoindre  l’Office du tourisme afin de  me renseigner sur  les gares  les  plus proches ! En remontant,  j’achète  la  presse. Merde,  une boucherie en Norvège ! A chaque fois, cela me détruit comme  l’attaque de l’école de Beslan ou celle du Théâtre de Moscou. Je suis atterré, terrible est  le destin qui vous fait croiser  la folie  humaine.

Je fais quelques emplettes  à  l’épicerie locale. Je  n’y ai pas pris grand-chose  mais  il  m’a fallu sortir  un gros billet !!!! Je  passe  plusieurs coups de fil avec Thomas pour  mettre au  point  notre sortie de tantôt. Finalement, il vient avec sa copine Clémentine et compte arriver vers  13h. Le temps semble se dégager,  mon moral aussi. J’en profite  pour effectuer  une  lessive. Les amis arrivent vers  13h30, c’est que  la route est  bien tortueuse depuis Argelès. Nous allons au  même restaurant  où j’étais  hier soir. Puis  on choisit  la balade. Ce sera  le classique de Gavarnie : la Grande Cascade ! Classique  mais alors somptueux.

 

 

Je  ne connaissais le cirque que vu du  haut ! Mais alors  là,  je suis  bluffé.  Thomas et Clémentine partagent mon admiration  pour ce chef d’œuvre de  la  nature. Beaucoup de touristes,  oui,  ils  ont  bien raison de venir  mais  la grande  majorité s’arrête  à  l’Hôtellerie du Cirque !  Il est vrai que la suite du chemin est  un tantinet  plus sportive : d’abord dans  la pierraille  puis dans  le croulant sur  une pente forte pour accéder au  pied de  la cascade.  Nous sommes ravis, transportés;  le spectacle est saisissant.

 

 

Quelques  photos  puis  nous redescendons dans  le croulant. N’ayant aucune charge,  je  m’amuse  à  glisser comme  à ski sur  la  pente ! Je  ne dirai  pas qui était  le  moins  à  l’aise pour descendre. Nous  obliquons vers  le  névé que  nous traversons  pour aller dans  la  pierraille de  l’autre côté. La descente dans  la prairie semée d’iris bleus avec  la vue sur la vallée de Gavarnie  procure un immense sentiment d’exaltation. Thomas et Clémentine sont comblés par  notre  balade. Voilà,  ils sont repartis avec  leur jeunesse et  moi, demain, direction  le cirque d’Estaubé  par  la Hourquette d’Alans puis celui de Troumouse.

Bilan de  la  journée : 11 km et  388 m de D+

 

Dimanche  24 juillet : De Gavarnie ( 1 380m)  à Héas (1 521 m)

 

8h45, direction la Hourquette d’Alans donnée en  3h30. De suite, dans  les  lacets très courts encombrés de gros blocs de  pierre,  j’ai  repris  ma  marche  lente qui  me convient  bien. M’appuyant sur  mes bâtons,  avec  mon sac dans le dos, énorme  protubérance,  je  forme  un étrange être à  quatre  pattes. Je suis dans  ma solitude. Je  ne sais  lequel de  mes trois cerveaux,  le  primitif,  le  limbique,  le supérieur, me fait avancer. La  montée est bien sûr rude, c’est la  montagne ! Je  ne respire pas comme je veux à cause du sac qui enserre  ma cage thoracique. Je  pose le bâton devant  moi,  un ou deux  pas  plus  loin,  il est derrière  moi,  je  le ramène devant,  pareil  pour  l’autre côté,  à  l’infini.  Etrange démarche. J’ai dépassé  l’étage boisé pour atteindre  la  pelouse alpine. Soudain, quatre traileurs espagnols dévalent  la  pente devant  moi. Le  premier s’arrête  pour  prendre  le temps de  m’expliquer leur  périple. J’y  j’ai bien compris ( !),  ils doivent faire  le tour du massif de Gavarnie. Plus  loin, c’est  un couple de traileurs que  je croise. Hola ! Bravo ! Cela  me réjouit  le cœur de  les voir courir,  moi humble tortue qui ai encore  400 m de D+  à gravir.

 

 

 

Encore quelques  lacets, soudain,  je  l’aperçois mais elle se dérobe aussitôt  à ma vue dans  une  nuée. Passer  un col,  moins anodin qu’il  ne  paraît ! Un groupe d’Anglais à l’allure si british  et  un autre cosmopolite se restaurent en ne contemplant rien. On  n’y voit  pas  à  10 mètres ! En descendant dans  le cirque d’Estaubé,  je retrouve de  la visibilité en passant sous  les  nuages. Sur  ma droite,  j’aperçois  la brèche de Tuquerouye. J’y serais  bien  aller pour admirer Monte Perdido mais c’est comme  pour  la brèche de Roland, à quoi bon,  les sommets sont dans  les  nuages !  J’en prends  mon  parti.

 

 

Je descends donc tranquillement, discutant avec  les randonneurs que  je croise.  Voilà le  lac des Gloriettes. Les touristes sont  nombreux. Maintenant c’est du bitume. Je descends quelques  lacets pour attraper  la route d’Héas. Je tente  le stop  mais je dois faire peur aux gros 4x4 !

J’arrive  à Héas qui est  la  porte du cirque de Troumouse (J’y suis déjà allé plusieurs fois  avec  les enfants : le col de Bouneu,  le  pic de Gerbats,…). J’avise  un  panneau camping à l’entrée du hameau. Le  lieu est accueillant  mais  pas  un seul campeur ! J’interpelle un vieil  homme qui va chercher sa femme. Elle a bien 80 ans. Si, si, c’est bien  un camping ! Je  ne sais pas si  le  percepteur est au courant.  Là encore,  on  prend  le temps de discuter. Elle a de gros soucis de santé avec sa vue qu’elle  perd ! Elle s’en désole. On le serait  à moins ! Elle  me fait visiter  les commodités. Je  lui demande combien  je  lui dois,  elle  me dit : « ce que  je veux ! ».

Il recommence  à pleuvoir. Mon hôtesse revient discuter avec  moi après  mon installation.  Elle est  née en  31. Son  père était guide dans  les années  20-30  pour  les touristes fortunés. Toute  jeunette, elle était de toutes  les  randonnées avec son  père. Elle connaît  tous  les chemins de  la région, vraie  mémoire vivante du  pays. Cela fait qu’une semaine qu’elle et son  mari sont là. Le reste de  l’année,  ils demeurent  à Gèdres. Leurs enfants sont  montés avant afin de s’occuper des  bêtes.  Elle  me  parle du temps passé, du grand  hiver de  1953 où il  y eu tant de  neige ! C’est vraiment  une personne avec qui  on aimerait bavarder des  heures  pour l’entendre raconter « son pays » avec un accent rocailleux comme il se doit !

Bilan de  la  journée : 16 km  et 1 102 m de D+

 

Lundi  25 juillet : De  Héas (1 520 m)   à la Hourquette d’Héas (2 608 m)

 

La  pluie a recommencé  à tomber au  milieu de  la  nuit. Au  matin,  la condensation dans  la tente est telle qu’il  pleut sur  moi ! Je reste cependant bien au chaud dans  mon duvet.  Vers  7h30,  je  me  lève et regarde  par  l’ouverture de  la tente. J’aperçois  un petit  morceau de ciel  bleu. Ce sera  le seul,  promesse  bien trompeuse,  le  pire est  à venir. La  pluie est fine. Je  me prépare comme d’habitude. Je coince  un bâton dans  un  passant de  la tente  pour me faire  un auvent  au-dessus de  mon réchaud. Comme chaque  matin,  je  prépare mon lait et  muesli,  puis  un café. Je range  mes affaires sous  la  pluie, puis  plie  la tempe trempée. Cette fois,  je  la range dans  la  partie  inférieure de  mon sac car son enveloppe humide  la rend  glissante comme  une savonnette  ne tient pas malgré un serrage énergique des sangles de  maintien. Hier,  je  l’ai  « perdue » deux fois,  heureusement que  j’avais attaché  le  lien de serrage au sac, encore  un bon  point  pour Vaude !

Voilà,  je suis  prêt mais  le ciel est tellement  bas, si bas.  Je dis au revoir  à la  propriétaire en faisant  le fanfaron concernant  les  Normands et  la  pluie, et je  prends gaillardement la route. Puis  j’attaque  les  premiers  lacets. Au-dessus,  j’aperçois deux groupes de  deux randonneurs à l’abri sous leur cape-pluie sombre qui  rend leur allure si étrange. Aussitôt dans  la pente,  je  prends  mon allure économique et marque des arrêts tous  les  15 mn environ. Je  m’élève  lentement. Le chemin  m’amène  le long d’un torrent dont  le flot est particulièrement furieux. Sous  la  pluie,  je suis  prudent sur  les  pierres  mais  j’ai une bonne accroche et  je  m’équilibre bien avec  les bâtons que je  juge  indispensable dans  une telle  montée.  Pourtant  le groupe qui  me précède  n’en a pas !  J’ai  plus de  1 100 m de D+  à gravir. J’ai vu au départ  3h45 comme temps de  montée. Je  me donne une heure de  plus pour  être  à  la Hourquette. Le bruit et  le débit du torrent sont  impressionnants. La visibilité est  à  moins de cent  mètres. Il  pleut. Mais  je  monte, sans doute  l’esprit  un  peu anesthésié par  l’effort. Mais  je me suis fixé un but et  j’entends  m’y tenir. Pourtant cela fait bien cinq  jours que je  progresse sans vraiment voir ce  quoi je voulais admirer. Maintenant, c’est  marcher  pour marcher,  pour avancer vers  un ailleurs.  J’arrive  à  un  premier pla. Cela  me  permet de souffler  un  peu. J’aperçois   toujours au  loin mes devanciers qui  ont bien  15 mn d’avance sur  moi.  Sur  ma gauche, se trouve une cabane avec  un enclos  à moutons. A  ma droite, j’aperçois  un  oratoire. Je  me donne  la  peine d’aller  le voir : c’est  un ensemble qui représente  trois personnages sculptés  dans ce qui  me semble être un bloc de stalagmite. La  plaque au-dessus relate une  légende concernant le vol de deux colombes,  à l’origine de  la Vierge d’Héas. 

Je reprends  ma route qui s’élève à nouveau à flanc. Le chemin caillouteux se  monte  malgré tout sans trop de  mal. Il domine  le torrent qui  gronde dans  sa gorge. La  pluie s’épaissit,  la visibilité est toujours aussi mauvaise. Des écharpes  nuageuses  mouvantes  masquent tout  à tour  l’environnement proche. Pour  le reste, tout est effacé ! Le néant.  J’arrive  à  un deuxième  pla  où est  installée  une cabane-abri. Pour  l’instant,  je suis sur  la  piste. Je vois toujours  la marque rassurante des chaussures de  mes  prédécesseurs dans la  boue. Je commence  à avoir de l’ impatience concernant  mon arrivée  là-haut  mais en consultant  ma  montre,  je vois que  j’en suis encore  à une  heure. L’univers    j’évolue est particulièrement désespérant dans sa  monochromie. Il devient  même  inquiétant mais  pour  l’instant  je  n’éprouve pas d’angoisse sur  ma situation.  J’ai consulté  ma carte  bien  humide pour avoir  un aperçu du tracé mais je ne  l’ai  pas bien évalué à ce  moment,  ni  bien  jugé de sa direction. C’était  le  moment de sortir  la boussole ! Et vu ce que je  pouvais voir devant  moi à  ce  moment-là  me semblait  pas terrible comme voie ! Grave erreur de  ma  part. Aussi quand  je rencontre  une flèche composée de  pierre qui indique  une direction  à droite suivi par  un alignement de cairns,  je  me dis que c’est la bonne voie surtout que je  pouvais apercevoir la  ligne de crête avec des épaulements qui  me semblaient accessibles. Oui,  mais ce  n’était  pas  la direction ! Pourquoi  je  n’ai vu  les marques des semelles qui continuaient sur  la  piste ? Ma vigilance a été  prise en défaut  préférant  une voie qui me semblait facile, refusant en quelque sorte la dernière difficulté que  j’avais entrevue.

Je  me mets  à suivre  les cairns car  là,  il n’y a plus de piste.  Je  remonte donc sur  la droite dans  un  petit thalweg herbeux puis débouche dans de  la  pierraille. Cependant,  je repère bien  les cairns.  Cela  met à contribution mon sens de  l’observation. De  prime abord,  je trouve  ce  petit jeu de  piste plaisant. Ce  sentiment va disparaître  assez rapidement  par  la suite. A  un  moment,  je dois gravir  une  pente rocheuse. Au-dessus de  l’épaulement, j’aperçois  quelques isards. J’attaque  la  pente d’éboulis  puis  j’arrive au passage  purement rocheux. Je dois  mettre  les  mains pour  me  hisser mais j’ai  les doigts engourdis  par  le froid et ai du mal à assurer  mes  prises. Le vent devient de  plus en  plus fort  à mesure que  j’arrive sur la crête. Enfin,  me voilà sur  la croupe qui semble  marquer  le col. Je  ne vois aucune  indication de quoi que ce soit ! Je  m’approche du bord. J’ai  l’impression d’être au bord des falaises d’Etretat  ou  plutôt au bord du  monde avec, sous  mes  pieds, un  bouillonnement laiteux  inquiétant à la Lovecraft. Ce gouffre  infernal allait-il  m’absorber ?

Je  n’ai aucune  visibilité de ce qu’il  y a en-dessous. Un  peu  inquiet, je  ne vois pas descendre  par  là. Je remonte vers  le Nord  pour trouver  le  passage. J’aperçois  un cairn juste avant que  la crête ne se relève. Je  m’y rends et  regarde en-dessous mais  la visibilité étant  inférieure  à 5 m vers  le bas, cela  me semble totalement vertical. Je perçois  bien l’amorce de quelque chose dans  la  paroi très escarpée mais  est-ce  le chemin ? Je  ne  me sens absolument pas  capable d’y aller. La  pluie redouble. Je  n’ai  plus aucune visibilité dans cette direction. Non,  je  perçois très  bien que  là,  je  mets  ma vie en danger et  je renonce ( en fait, je ne suis pas du tout au  bon endroit et  il  n’y avait  pas de sentier  à ce  niveau-là , étant trop au sud !).

Il  me faut faire demi-tour. De ce côté, vers  l’Ouest,  j’ai encore de  la visibilité, fugace au demeurant. Il faut redescendre,  je  le fais au  jugé ayant repéré un mamelon dont  j’avais remonté  le thalweg tout  à l’heure.  De  l’angoisse est montée violemment en  moi. Cependant,  j’essaie de  garder  la tête froide. Je détermine  ma voie  et redescends finalement sans vraie difficulté les  pentes rocailleuses. Les isards sont  toujours  là,  indifférents à mon sort. Je  ne me fie  plus trop aux cairns car, finalement,  il y en  partout ! J’en reste  à ma  mémoire visuelle pour retrouver  le  passage par  lequel je suis venu malgré les  bandes  nuageuses qui  le voilent  à tout  moment. Dans  l’instant, sur ce  pla,  je  me dis que  je vais bivouaquer là en attendant  une  météo  plus clémente. Mais  je  n’y crois  plus et  j’ai vu à Gavarnie qu’il  il  n’y aurait  pas d’amélioration avant  jeudi.  Cela fait  8 jours que  je suis  parti ; à part  le  lundi et  le samedi après-midi avec Thomas et Clémentine,  j’ai toujours évolué dans  la crasse. J’ai fait des  impasses sur des  itinéraires car  je  n’aurais rien vu. C’est désespérant et décevant.  Je n’ai eu que de trop rares grands  moments. Depuis quelques  jours, c’est  un chemin  bien morne que  je suis. C’est décidé,  j’arrête et  je redescends.

Mes chaussures  ne sont  pas en goretex,  j’ai  les  pieds trempés,  mon pantacourt également.  Mais  le  haut est  bien protégé  par ma  polaire et ma veste. C’est  l’essentiel car  je  n’ai  pas froid et  je  me sens  bien physiquement et  moralement ( euh ?).  Depuis que  j’ai  pris  la décision de renoncer,  mon angoisse de tout  à l’heure s’est dissipée. Soudain,  j’avise  une tente verte dans ces  miasmes. Je  m’y rends en interpellant à voix  haute son occupant. C’est  une anglaise   (et pas  une  jeunette !).  J’ai dû  la réveiller.  Je discute avec elle quelques instants. Elle attend  que  le mauvais temps cesse  pour repartir. So british !  Elle  me  met un peu de doute dans  mon esprit,  je  n’ai qu’à faire comme elle. Mais  non,  le fil est cassé. J’ai retrouvé  la  piste  initiale. La  pluie redouble,  intense et  grasse. La visibilité est toujours aussi  mauvaise. Je descends  à bonne allure comme pour fuir  le  lieu de  ma défaite.  Je  n’ai pas  mangé,  je  n’ai pas faim. Par contre,  je bois souvent et  je vide  ma  poche  à eau. Dans  un  premier temps,  je continue comme  ça, tellement  pressé d’en finir. Mais  la soif est  là aussi  je  m’arrête et remplis  la  poche avec  la bouteille de secours. Tout en descendant,  j’ai  l’esprit  un  peu en désordre, tourmenté,  mesurant  ma déception infinie.

Voilà,  j’arrive  bientôt en bas,  j’aperçois  les quelques maisons du  hameau.  Sur  la route goudronnée,  mon esprit se calme.  Je vais redescendre  à Gèdres en marchant. Ce  n’est pas  10 ou 15 km qui  me font  peur. Je  me lance d’un très bon pas de  marcheurs sur  la route, toujours sous  la  pluie  intense, avec  un gout d’amertume dans la bouche. Quand j’entends  une voiture derrière  moi,  je tends  le  pouce sans grande  illusion. Je  ne compte que sur  moi. Il est dans  les  16-17h. Je sais qu’à Gèdres, se trouvent  un camping, des  hôtels,  bref de quoi faire étape et  il y a  une  ligne de bus.  Je téléphone  à Thomas de Pau pour  m’enquérir  éventuellement  de sa disponibilité  pour  me rapatrier sur Pau mais  il finit  à 18 h et a un rendez-vous  à 19h.  Pas grave, je vais  me débrouiller  mais je  m’en veux de  l’avoir  dérangé maintenant. 

 A  un  moment, deux voitures  me  passent rapidement  mais je sens qu’une troisième derrière ralentit dans  mon dos. Elle s’arrête à  ma  hauteur. La fenêtre passager se baisse…

L’improbable de  l’improbable,  l’inouï ! C’est Isabelle !  Une amie, naguère d’Alençon maintenant établie  à Lourdes, avec qui nous avons randonné ici à plusieurs reprises ! On se regarde sans  y croire, tellement stupéfaits  l’un et l’autre de cette rencontre incroyable. En quelques  mots, j’explique  ma situation. Elle et son compagnon Marc assurent  le suivi de deux randonneuses sur  le HRP,  parties depuis Hendaye. Ils  me  proposent de  m’héberger  chez eux  à Lourdes. Ils doivent revenir demain à Héas où ils  ont  laissé les randonneuses au refuge  pour les accompagner dans  la  montée de  la Hourquette d’Héas puis  jusqu’à Baroude. Demain donc, je  n’avais qu’à revenir avec eux. Le destin !

Cependant,  je  leur dis que cela dépendra de la  météo. Effectivement,  le soir, sur Internet pas d’espoir de beau temps avant la fin de  la semaine. La décision demeure. Je vais  à la gare de Lourdes prendre  mon billet  pour le Mans demain  à  7h40. D’ailleurs,  les deux randonneuses vont téléphoner dans  la soirée pour annuler  l’étape de demain et pour annoncer qu’elles repartiront directement de Parzan,  mercredi.

Bilan de  la  journée: 21 km et 1 088 m de D+

 

Fin de  ma balade pyrénéenne. Je  ne verrai pas les Gourgs  blancs tant espérés.  Il  ya d’autres années  à venir  pour cela, sans doute. Il est  10 h, ce mardi dans  le TGV qui  m’emmène vers Paris. Il est  trop tôt pour tirer  le bilan de ce  périple, d’ailleurs est-il  besoin d’en tirer  un ? Il  me suffit de  garder en  mémoire  la succession de souvenirs engrangés tout au  long de ces  huit jours :  cette  galerie  impressionnante de  personnages rencontrés,  ces  paysages formidables que  j’ai pu contempler toutefois,  rarement sous  le soleil,  le  plus souvent dans  la grisaille la  plus désespérante.

 Au fur et  à  mesure  que  le train  m’emmène vers  le Nord,  le ciel se dégage et  un bleu  insolent emplit  la fenêtre de  mon compartiment.

 

"Toutes"  les photos sont  ici

 

Voici un film en deux parties sur ma  balade  pyrénéenne :

 

 

 
 
 

Voir les 12 commentaires

Faire-part

Par Mustang - 01-07-2011 22:25:21 - 10 commentaires

 

 

 

Nous sommes  heureux de vous annoncer 

le  mariage de notre fille Oriane avec Sébastien

samedi 9 juillet à Montagnac (Hérault).

La cérémonie civile aura  lieu à 15h30 à la  Mairie de Montagnac

 La cérémonie d'engagement et  le vin d'honneur

seront  organisés à partir de  17 heures au Mas des 7 Fonts.

 

Si votre chemin  vous conduit ce  jour, non  loin de cet endroit,

nous serions  heureux de  votre  présence

afin de  partager ce  moment d'immense  bonheur.

 

 

Mireille et Philippe

 

Voir les 10 commentaires

Haut de page - Aide - Qui sommes nous ? - 0.26 - 727569 visites