Par Mustang - 29-06-2008 20:25:08 - 7 commentaires
lumière d'été
Lorsque les mots s’associent, tout de suite les images surgissent. Lumière d’été. De manière incongrue, je songe au film de Grémillon ! Pourquoi ? Sans doute ce qui m’avait frappé dans ce film, c’est le destin des hommes au cœur de la montagne, cette montagne si immuable, si définitive.
Non, en ce moment, pas de barrage, ce vendredi matin, il est 7h30, je roule sur l’autoroute en direction du Mans et dans une heure, j’ai rendez-vous avec le chirurgien.
Je n’écoute pas la radio, peu de circulation. D’aucun dirait que le paysage entre Alençon et Le Mans est d’un banal. Cependant, il suffit de regarder, simplement regarder, n’est-ce pas Jihem ?
Ce qui s’offre à moi est un paysage de bocage. Nous sommes à la fin juin, les fenaisons ont été faites. Les gros cylindres de foin ne sont pas si incongrus que cela dans le paysage, au contraire, ils contribuent à son harmonie. On pourrait presque parler de Land Art. Sur la droite, un village se cache derrière des arbres. Le clocher en émerge. C’est l’image classique de la campagne française. Pourquoi la renier?
Et surtout, cette lumière de matin d’été qui baigne la campagne, une lumière à désarmer tous les soldats de la terre. Cette lumière tout juste voilée par une très légère brume matinale estompe à peine les teintes. Tout contribue à la sérénité.
Je suis serein.
Un autre matin, en Drôme
Par Mustang - 25-06-2008 11:52:27 - 6 commentaires
Les Célestes
C’est une histoire belge, non, plus précisément celle d’une communauté, presque comme celle de l’Anneau, animée par l’esprit de la course à pied; cet esprit qui délivre les secrets du vent et de la terre, celui qui porte la liberté, celui qui ouvre le monde au cœur des hommes, celui qui peut mener des coureurs en terre africaine pour un regard, pour une main tendue.
Cette communauté, je l’ai rencontrée au printemps 2007, en terres gaumaises lors de la Translorraine, course en 4 étapes de 145 km, organisée par le sympathique Christophe Martin. C’était GGO qui m’avait incité à franchir la frontière pour venir courir en Belgique. Aussi, pendant 5 jours, j’ai pu côtoyer ces coureurs. J’ai été littéralement subjugué par leur manière d’être.
Que ce soit Aragorn, le preux, le Gaumais au regard profond comme la détresse du monde, le Celte, géant par la taille et géant par le cœur, Gandhi dont la gouaille ne saurait cacher sa profonde humanité, Kriek à la frimousse juvénile mais au cœur gros, et tous les autres, tous les autres, conquérants de l’inutile, à la poursuite d’un rêve.
Cette escapade pascale en terres wallonnes va demeurer dans ma mémoire à jamais comme un moment intense de bonheur.
Alors, je n’ai eu de cesse que trouver des occasions de repartir là-bas. Ce fut en novembre pour l’Ultra-tour de Liège, étonnant trail urbain, organisé par Madness et cette année, en février pour La Magnétoise. Ce qui est étonnant dans ces trails wallons, c’est la totale décontraction de l’organisation qui laisse la part belle à l’aventure.
Aussi, je ne peux que vous inviter aussi à aller à la rencontre de ces coureurs et de leurs trails.
Voici ce qui est écrit en guise de présentation sur leur site :
« Ils vénèrent le silence des forêts, la sagesse des montagnes et l'immensité des déserts. Ils tentent aussi de recréer l'esprit Spiridon: tous les sympathisants sont autonomes, aucune affiliation, aucun statut ne les lie entre eux. Ils sont entièrement libres de leurs opinions et actions. Leurs rapports résident en une liaison par le cœur. Par ironie, un peu par dérision, ils se nomment par des pseudos. Leurs rencontres pédestres, courses et entraînements en groupe, sont pour eux autant d'occasions de joutes amicales où l'esprit de compétition, bien que parfois naturellement présent, n'en forme pas pour autant la sensation première. »
« Chasseurs de stress, chercheurs de sérénité et d'absolu, conquérants de l'inutile, coureurs de l'impossible... on les prend parfois pour des fous mais ils sont l'exemple vivant que le sport peut n'avoir d'autres buts que l'épanouissement personnel. Ils passent des heures à regarder ailleurs, à écouter battre le coeur du monde et entreprennent des voyages au creux de la solitude pour mieux déboucher, au bout de l’effort, dans le regard des autres. »
récit de la Translorraine ici
récit de l'UTL ici
récit de la Magnétoise ici
site des Coureurs Célestes ici
Par Mustang - 21-06-2008 15:34:43 - 3 commentaires
De l'autre côté du monde ou au-delà d'une simple barrière, qu'y-a-t-il?
Ce vendredi soir, c’est l’arrivée chez Pascal, notre hôte au Palais. Non, il n’habite pas dans un palais mais au Palais, à Belle-Île-en-mer, comme chante Laurent Voulzy qui s’y connaît en îles. Lui et sa femme ont eu l’idée brillante d’inviter les amis à fêter son anniversaire là-bas. Mais le chameau n’offrait le champagne qu’à une seule condition, celle de faire tout ou partie du tour de l’île en courant. La belle affaire ! Alors le presque tout Alençon traileur est descendu pour troquer les chemins forestiers contre le chemin des douaniers...
cela continue ici
Par Mustang - 15-06-2008 23:23:44 - 13 commentaires
Le Passage
Embarcadère de Quiberon, vendredi 13 juin 2008
Il est 21h30, nous embarquons sur le Vindilis. Ce n’est pas l’Eunez Eussa et il ne pleut pas sur Quiberon. La mer est calme et le soleil se prépare à disparaître à l’ouest. Même pas des nuages qui vont crever comme des chiens au loin.
La dernière fois où j’ai pris pied sur Belle-Île remonte à 45 ans, au cours d’une journée de vacances estivales.
Qu’en reste-t-il ? Rien ou si peu. Par choix inconscient, je suis presque totalement amnésique de mon enfance et de mon adolescence. Donc Belle-Île, cet été 1963. La terreur d’un petit garçon au cours de la descente vers la grotte de l’Apothicairerie, désormais interdite d’accès, et le plaisir d’un goût nouveau en dégustant une glace « mystère » dans un restaurant du Palais ; cette présence incongrue d’une meringue au cœur d’une glace. Ce n’est pas une madeleine, juste un très rare souvenir de vacances.
Le bateau glisse sur l’eau sans heurt. A bord, peu de passagers pour ce dernier passage vers l’île, ce vendredi soir. Tout est calme. Contraste saisissant après le voyage tendu depuis Alençon pour attraper le dernier bateau. Le soleil est au ras de l’horizon. Le rouge est mis.
Quelques nuages ajoutent au camaïeu. C’est un spectacle qui demeure toujours fascinant, encore plus, peut-être, lorsqu’il est vu d’un navire.
La houle légère du soir donne une autre dimension. Cependant, ce n’est jamais sans mélancolie que j’observe un soleil couchant. Les légendes primitives sur le coucher du soleil m’enchantent toujours, car, pour elles, cette disparition- cette mort- est toujours la promesse d’une résurrection. Ce passage est-il un signe ?
Il ne pleut pas, il n’y a pas eu de guerre mais pourtant les choses ont changé. J’ai un cancer mais je n’ai plus peur du vide. Le goût des « mystères » n’a jamais été le même; celui de cet été 1963 restera à jamais unique.
Le soleil disparaît. 22h15, nous arrivons au Palais.
Par Mustang - 07-06-2008 13:17:38 - 6 commentaires
Il court !
Les pieds en appuis sur les starting-blocks, il attend les ordres du starter. Les doigts posés réglementairement sur la ligne blanche, il attend. Il jette un dernier regard vers l’endroit où se situe l’autre ligne blanche, là-bas, si proche et si loin à la fois, 100 m ! Une poussière de temps face à une vie ! Le tumulte de la foule s’estompe. A vos marques ! Le flux sanguin bat dans ses oreilles. Prêts ! Il bande ses muscles, se ramasse pour mieux bondir. Le coup de feu résonne encore dans ses oreilles lorsqu’il jaillit. Il parcourt les premiers mètres, le buste plié. Ses jambes s’emballent, les yeux fixés maintenant devant lui, sourd à la clameur venant des tribunes. Les fibres de ses muscles glissent sans heurt, ses articulations se déroulent, chevilles, genoux, hanches, coudes, épaules, tout son corps le propulse en avant, toujours plus en avant, plus vite. Il court, il ne voit plus les autres, il court, il n’entend plus la foule, il court, il ne voit plus la ligne blanche, il court, il ne voit plus le stade, il court. Son corps, son esprit exultent et hurlent à la fois. Il court ! Pourquoi s’arrêter à ce moment ? Prolonger ce moment- à jamais ? La ligne franchie, il continue sa course. La foule trépigne ! Les commissaires s’agitent ! Il continue sa course déraisonnée. Une sortie, là, à droite. Il quitte le stade poursuivant son périple insensé. Bientôt, il quitte la ville. Le voilà dans la campagne, sur un chemin. Sa foulée s’est calmée. Plénitude du moment. L'horizon s'offre à lui. Il court pour ne jamais s’arrêter, pour ne jamais finir. Courir à jamais pour vivre.
Par Mustang - 07-06-2008 13:01:52 - 16 commentaires