Par Mustang - 13-06-2012 11:01:36 - 8 commentaires
Un meeting
Ce dimanche 10 juin, rendez-vous est donné à 9h aux athlètes du club à l’endroit habituel, parking du théâtre, pour le covoiturage. J’y arrive un peu en avance. Aymerick est là avec son père, celui-ci va rester à la caserne étant de garde. Les voitures arrivent les unes après les autres. Avec Patrick, le président, nous nous organisons pour la répartition des présents. Nous serons une trentaine du club à effectuer le déplacement au championnat départemental sur piste à Argentan, essentiellement les plus jeunes de poussins à cadets ; les seniors et les vétérans ayant préféré les épreuves sur route, soit à Caen pour les courses de la Liberté, soit à Mamers pour un 10 km.
J’embarque quatre cadets, des habitués ! Il faut dire que je les connais ceux-là. Ils sont au club depuis l’éveil athlétique. Je m‘attend au pire dans la voiture. Marc va faire l’agent d’ambiance ainsi que Guillaume. Enfin, j’en ai pris l’habitude avec les nombreux déplacements effectués avec eux cet hiver pour participer aux épreuves sur piste indoor à la halle d’Ornano de Mondeville. Marc a eu la bonne idée d’acquérir un très très gros nounours à la vente de printemps d’Emmaüs la veille. Ce sera la mascotte du club. Il sort un maillot et un short aux couleurs noir et jaune du club pour l’en revêtir. Ça les occupe un moment et ça me distrait également. Il faut dire que j’ai un peu le stress aujourd’hui car je dois valider ma formation de jury saut régional par deux épreuves pratiques dont celle aujourd’hui. Nous sommes en juin mais c’est un temps de novembre ! Voilà, nous arrivons au stade Gérard-Saint. Visiblement, tout est prêt pour accueillir les épreuves. En fait, le championnat départemental n’est qu’un prélude à un meeting international d’athlétisme. Et je sais que pas mal d’athlètes viennent y chercher des qualifications nationales pour Londres ou les championnats d’Europe.
D’après le programme, je vais suivre les féminines d’abord sur la longueur, puis le javelot, la hauteur et enfin le poids. En théorie, je dois également les suivre sur les courses qui suivent d’après la stratégie d’organisation qui a été définie lors de la réunion de la semaine précédente. Je n’en suis pas très fan, j’aurais préféré me cantonner dans ma spécialité que sont les sauts. Je vais saluer Carole, la présidente du club hôte, ainsi que les dirigeants du Comité de l’Orne. Je sens un peu de mou dans l’organisation. J’y suis habitué, cela a déjà été le cas aux interclubs à Hélitas et à des rencontres à Mondeville. Il est passé 10 h, le concours commence à 10h30. Il est plus que temps pour moi d’organiser le concours. Avec Yves qui va m’assister je vais chercher mon matériel : la planche de plasticine avec une spatule, le décamètre et une fiche pour mesurer, le râteau pour étaler le sable, un balai , des plots pour visualiser la planche et pour fermer la piste d’élan, les drapeaux, un rouge et un blanc – pas de jaune !- Avec mes assistants, nous nous dirigeons vers le second sautoir de l’autre côté du stade. A priori, il n’y a qu’un anémomètre et il est dévolu au concours hommes ! Et pas de ruban à vent non plus ! On se bat un moment pour retirer la planche inerte, gonflée qu’elle est par les pluies. Je suis inquiet, je ne vois personne venir. Je me dirige vers le speaker de la réunion pour lui demander d’inviter les concurrentes à venir s’échauffer. Première contrariété de la journée, vu le faible nombre de féminines, elles vont concourir avec les hommes ! Me voilà au chômage technique ! Je la sens bien cette validation !
Tant pis ! Je vais me contenter de tenir le râteau ! J’en profite cependant pour aller voir de plus près l’anémomètre. Daniel explique à Yves comment effectuer la lecture. J’ai appris comment placer cet engin le long de la piste mais pas encore eu l’occasion de le voir à l’œuvre : cela n’a rien de sorcier. En principe, on place un plot repère à 40 m ( pour les hommes) du sautoir et on déclenche l’appareil dès que l’athlète passe devant ce repère. La lecture s’affiche au bout de 5 secondes. Ici, je suis un peu intrigué, car le résultat des essais indique des vitesses négatives en contradiction avec la direction du vent indiqué par le ruban à vent. Plus tard, je verrai qu’il a été positionné dans l’autre sens !! Quoiqu’il en soit, cela permet de le voir fonctionner. Ainsi, quand il indique + 1,44, il faut arrondir la mesure à + 1,5, de même pour une indication négative - 1,32, cela donne -1,3.
Je retourne à mon râteau ! Le concours commence. Comme inscrits, ce sont essentiellement des cadets, avec 2 juniors, un espoir et un senior ! Ma position tranquille mais pas de tout repos va me permettre d’encourager Kévin, notre cadet. Son deuxième saut est à 6m12. C’est encourageant. Mais il a fort à faire avec un autre cadet de Flers qui saute, lui, à 6m28. Ça donne chaud de ratisser à chaque saut ! Kévin ne fera que deuxième ! Mais c’est déjà très bien. Changement de programme pour moi, Daniel me charge du concours poids hommes ! Le temps se gâte. Je sors mon livret de règlement pour revoir les points essentiels d’un concours poids, celui-ci n’étant pas spécialité ! Hum, hum ! Il pleuviote. Je récupère les poids nécessaires en fonction des catégories. Je charge Yves, bonne pâte, à la récupération des engins. Il a pris la précaution de revêtir une cape pluie ! Patrick, lui, va s’occuper du point de réception et Florent tiendra le ruban en le faisant bien passer par le centre du cercle de lancement, la mesure s’effectuant sur le rebord intérieur du cercle. Je laisse les athlètes s’échauffer avec quelques lancers. Les poids sont humides et je n’ai pas de torchon pour les essuyer ! Je lance le concours : « Dorian lance, Guillaume se prépare, etc… ». J’en suis au deuxième essai, quand on vient m’avertir qu’il me faut adjoindre au concours deux cadettes ! Bien, on va improviser. Avec l’accord des athlètes hommes, je suspends leur concours après le deuxième essai pour permettre aux filles de s’échauffer et d’effectuer leur premier essai. Il pleut. L’organisation a prévu une tente abri non loin de là. Cependant, je me bats avec mes feuilles de marque pour les protéger. Troisième essai. Ils sont moins de huit, je n’ai pas à procéder à un classement intermédiaire, ni donc à inverser l’ordre de passage. La pluie redouble. Je suis vigilant à l’attitude du lanceur après le lancer afin qu’il fasse une sortie correcte mais je me fais rappeler à l’ordre par un entraîneur qui surveille le concours de ses athlètes concernant la tenue du poids lors du lancer. En effet, Jimmy a écarté sa main de son cou avant de lancer, c’est une faute. Pas question de revenir sur l’essai que j’ai accordé mais je me place mieux pour TOUT observer. Les concurrents ne vont pas aller au bout de leurs six essais. C’est le déluge. Une âme charitable m’abrite sous son parapluie. Mes feuilles de marque partent en charpie !!! Le junior continue le concours jusqu’au bout !! Ouf ! Terminé. Je donne les consignes pour ranger le matériel et fais émarger les feuilles par mes assesseurs. Je porte les feuilles comme de précieuses reliques à la chambre d’appel. Jean-Claude et son épouse sont à la manœuvre pour la saisie des résultats. Travail colossal que de saisir tous les résultats en fonction du sexe et de la catégorie de chaque athlète. Il y aura plus de 55 classements différents pour ces départementaux ! Je lui laisse mes feuilles dans un triste état m’étant assuré qu’elles étaient cependant encore lisibles !
Pas le temps de souffler ! Je ne vois pas ce que font les athlètes du club dans leurs différents concours. Je repars comme jury assistant pour le concours hauteur toutes catégories hommes à l’autre bout du stade. La piste d’élan est inondée. Avec le balai, je chasse l’eau tant bien que mal. Mais le matelas n’a pas été protégé de la pluie de tout à l’heure après le concours féminin. Il est bien mouillé lui aussi ! Les premiers concurrents à s’échauffer s’en aperçoivent tout de suite ! Florent, un jeune vétéran du club va s’essayer à cette discipline. C’est cela qui est bien. Certes ses sauts sont bien modestes mais c’est cela aussi le sport ! La montée de barre est de 5 en 5. Nous veillons à chaque fois à l’horizontalité de la barre. Les conditions de saut ne sont pas des meilleures, loin de là ! Les athlètes ont bien du mérite à sauter ! Pendant ce temps, se déroule le 1500 m, temps fort de ces départementaux. Le vent ne permettra pas d’exploit. Albin, notre meilleur cadet sur la distance termine 4e avec un temps moyen de 4’25’’1, loin de son record personnel mais il a déjà accroché sa qualif pour les inters. Puis ce sont les 100 m. Je surveille du coin de l’œil les exploits de Kévin. Il a gagné sa série. Il remportera tout à l’heure la finale en 11’’84, lui aussi a sa qualif en poche ! C’est un espoir qui remporte le concours avec un saut à 1m75, une performance de niveau R3. Bon, il est passé 14h30, je vais pouvoir aller manger enfin !
La Bayard, le club organisateur, a bien fait les choses. Un très beau buffet m’attend. Cela fait du bien de se poser un peu tout en mangeant bien ! Je bois tranquillement mon café quand Daniel, le juge fédéral, vient me trouver et me demande, puisque je cherche la validation, de prendre en charge le concours hauteur femmes du meeting ! Gloups ! Effectivement, là, c’est le grand saut ! Passer des concours régionaux à un concours international, je sens un nœud au creux de l’estomac !
Daniel me rassure qu’il sera là pour m’assister éventuellement. Bien, je gagne le terrain des opérations. Patrick, mon président, et Marc, un cadet, seront à la barre. Marc est ravi de mater de si près les jeunes femmes élancées en brassière ! Les athlètes sont déjà là sous la tente avec leurs accompagnateurs. Le tableau d’affichage est en place. Je devrais lui signifier le numéro de dossard, la hauteur et le numéro de l’essai à chaque saut pour le spectateurs nombreux. Le ruban à vent est en place. Un autre assistant va manipuler les drapeaux rouge ou blanc. 9 concurrentes sont annoncées mais elles ne seront que 6 à sauter. Il n’y a pas d’horloge de concentration. Certes j’ai un chrono pour les délais de saut. Enfin, je vais bien voir. Daniel me communique la grille des hauteurs que j’inscris sur ma feuille de résultats. Je vais ensuite trouver les athlètes pour leur demander à quelle hauteur elles comptent commencer le concours. Il y a une Bulgare, vice-championne du monde junior en 2008, une Canadienne, 3e aux jeux du commonwealth en 2002, une Hongroise et trois Françaises dont la championne de France, rien que ça ! Je suis très tendu mais ces athlètes sont assez décontractées. Elles m’indiquent leur hauteur. Je remplis consciencieusement ma feuille en notant pour chaque athlète les impasses de départ Le concours va démarrer bas pour les Françaises. Pour chaque hauteur, il y a trois essais. Voilà, c’est parti. J’appelle la première concurrente, le cœur battant. Je confie mon stress à Daniel qui me rassure. Je valide le premier essai par un o. Je demande la hauteur suivante en surveillant bien la mise en place de la barre. Deuxième barre, essai pour la concurrente noté X sur la feuille. En principe, on doit appeler les athlètes par leur nom de famille, mais ici, c’est bon enfant, ce sera par leur prénom. Voilà, le concours est lancé, je commence à me détendre. Mais le tableau d’affichage est récalcitrant. Le manipulateur a bien du mal à faire apparaître les bons chiffres que je lui communique. Le speaker commente les sauts pour le public. Une équipe de télévision filme les sauts. La championne de France, Mélanie Melfort, puis la Bulgare me communiquent des impasses. Daniel me rappelle de bien veiller à la position de la barre sur les taquets. Je vais indiquer à mes assesseurs de bien laisser la place d’un doigt entre la barre et les montants. Je vérifie son horizontalité.
(image capturée sur FR3)
1m81, ça commence à devenir sérieux. Le public se masse derrière la lice. La Française passe au second essai, la grande canadienne Nicole Forester passe au troisième essai. La Hongroise est un peu lente à sauter mais comme il n’y a pas d’horloge de concentration, je ne vais pas lui en faire grief ! De toute façon, elle cale au troisième essai à 1m78. 1m84, la Bulgare Mirela Demireva passe au premier essai, la canadienne et Mélanie le manquent. Daniel, perfide, vient à ce moment m’interroger sur le délai pour sauter. Là, elles ne sont plus que trois, donc c’est 2mn. Pour deux essais consécutifs, c’est 2 mn également. Mélanie Melfort et Nicole Forester échouent à 1m84. Pour la Française, ce n’est pas grave puisqu’elle a déjà sa qualif pour Londres. Le concours continue avec la Hongroise. Elle passe 1m88 au deuxième essai. Etant seule désormais, je vais la trouver pour lui demander la hauteur qu’elle souhaite sauter. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, elle, ne parlant pas Français, et mon Anglais étant un peu hésitant, elle inscrit sur la feuille sa hauteur, ce sera 1m91. Je vérifie particulièrement la mise en place de la barre, assisté de Daniel. Elle franchit cette hauteur à sa seconde tentative. Elle exulte de joie car c’est son record personnel, et elle a ainsi sa qualif pour les championnats d’Europe. Elle demande ensuite 1m95 qu’elle ne franchira pas. Tout le monde applaudit chaleureusement la championne. Voilà, le concours est terminé. Je fais signer la feuille de concours et vais la porter à la chambre d’appel. Trop concentré par mon concours, je n’ai rien vu des épreuves qui se déroulaient sur la piste.
Mais je n’ai pas encore terminé ma journée. Je suis jury adjoint sur le concours de triple saut femmes. Mais ce sera avec le râteau, peut-être pas le plus reposant mais au moins, on a l’esprit tranquille ! Je suis plus détendu. Je vais pouvoir jeter un œil sur la piste tout en ratissant ! Ainsi, je vais suivre le 3 000m steeple hommes : c’est un beau peloton de 18 athlètes. C’est vraiment un privilège de suivre une telle épreuve du bord de la piste. C’est le français Tanguy Pépiot qui l’emporte en 8’35’’9 devant un Sud-Africain et un Israélien. Pendant ce temps, les jeunes femmes continuent à s’élancer en foulées bondissantes. Là encore, le spectacle est gratifiant. La remise des médailles pour les jeunes a lieu enfin. Les podiums se succèdent. Je suis ravi d’y voir souvent des maillots jaune et noir ! La mascotte est également de la fête à chaque fois ! Le meeting touche à sa fin. Il ne reste plus que les 800 et les 400. Les horaires ont été quelque peu bousculés. Il est passé 18h30. Le ciel s’allège enfin ! Les jeunes athlètes du club sont repartis pour la plupart avec leurs parents venus les chercher. J’ai encore quatre cadets engagés dans le second 800. Bien sûr, ils ne jouent pas dans la même cour ! Le premier 800 a été emporté par le marocain Rabi Doukkana en 1’48’’90. L’excellent cadet du CAC, Léo Fontana, a fini en 1’53’’61. Mes cadets seront plus modestes, le premier d’entre eux, Simon, finissant en 2’14’’32. Mais l’essentiel est de susciter l’envie, le plaisir.
Voilà, il est passé 19h30. Dans la voiture, sur la route du retour, l’ambiance est aussi agitée qu’à l’aller. Samedi, je serai jury à Querqueville, près de Cherbourg, pour les régionaux piste outdoor benjamins-minimes et dans quinze jours, à L’Aigle, pour les régionaux piste à partir de cadets !
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8 commentaires
Commentaire de Françoise 84 posté le 13-06-2012 à 13:51:25
C'est sympa de nous faire découvrir un autre côté du tableau, merci pour ce long récit! Et bravo, Mr le Juge!!
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 13-06-2012 à 19:23:02
Yes, ça doit être excitant de voir des filles s'envoyer en l'air !
Maintenant que t'es officiel, je dois te dire vous ?
Commentaire de L'Dingo posté le 15-06-2012 à 13:33:11
[quote]"Marc est ravi de mater de si près les jeunes femmes élancées en brassière !"[/quote]
Après le coaching, reconvertis toi dans l'arbitrage ;-)
Commentaire de Rag' posté le 13-06-2012 à 20:31:26
Vraiment sympa ce meeting vécu de l'intérieur.
Commentaire de Benman posté le 14-06-2012 à 16:46:50
Merci de cette découverte, et bravo! C'est vraiment chouette l'esprit athlé, et l'esprit kikou aussi, de nous faire partager cela.
Commentaire de L'Dingo posté le 15-06-2012 à 13:35:56
le récit d'une bien belle journée, où pour une fois la description du geste sportif l'emporte sur celle du paysage buccolique.
merci Mustang pour cette variation littéraire :-)
Commentaire de domi81 posté le 16-06-2012 à 08:48:57
voilà de quoi t'occuper pour ta future retraite !
bien sympa comme sujet.
Commentaire de fulgurex posté le 17-06-2012 à 17:28:06
Enfin un récit qui nous décrit honnêtement la météo Normande!
Merci, c'est sympa de nous faire découvrir une autre facette du sport.
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