Par Mustang - 17-10-2012 00:49:54 - 6 commentaires
La course du photographe
Dimanche 14 octobre, il est 8h00, je file sur l’autoroute en direction de Falaise puis de St-Philbert-sur-Orne. Je suis parti effectuer le reportage photographique du Trail de la Roche d’Oëtre pour le compte de NCAP.
Hier, j’étais assez pessimiste concernant la météo annoncée pour ce dimanche : pluie ! Il est vrai que ça tombait bien dru du côté de Bellême où j’étais en stage de formation toute la journée. En effet après avoir obtenu mon agrément régional comme juge saut, j’ai entrepris une autre formation pour la saisie des épreuves d’athlétisme, des cross et des courses sur route avec le logiciel Logica et avoir également l’agrément.
J’arrive sur le site de la roche d’Oëtre qui domine les gorges de la Rouvre. L’endroit est particulièrement pittoresque pour la région. C’est l’agitation habituelle à une heure du départ d’une course. Des athlètes s’échauffent, d’autres vont chercher leur dossard tandis que les bénévoles s’activent. Je salue quelques têtes connues. Je porte les deux coupes que je suis allé récupérer vendredi au Conseil Général sur le podium des récompenses. Je ne reste pas très longtemps dans le bâtiment, le temps cependant de discuter avec des amis.
Je retourne à la voiture étudier le plan des parcours avant de repérer des endroits stratégiques en fonction de la position du soleil. Les deux tracés l’un de 13, l’autre de 26, forment deux huit imbriqués. Je n’ai pas trop le choix si je veux être à l’arrivée pour des photos sur fond de roche ! J’ai vite fait de trouver mon point de shooting, tout au moins pour le départ des deux courses espacées d’une demi-heure ! Maintenant, c’est le réglage de l’appareil, moment toujours délicat pour moi. Contrairement à ce qui était annoncé, le ciel est clair et laisse même deviner le soleil. Je ne vais pas avoir à protéger l’objectif. Je travaille avec un Canon Eos 7D et un objectif Canon EF 70-200mn 1:4 L IS USM. J’aime bien utiliser cet objectif qui me permet de cadrer avec beaucoup de latitude. J’effectue mes réglages d’une manière un peu empirique, il va falloir là-aussi que je me perfectionne avec des cours, il faut que je trouve le temps simplement !
Je pars à pied rejoindre mon poste : à l’entrée d’un chemin. L’endroit est à découvert pour avoir un maximum de lumière. Le soleil est voilé donc la lumière est douce. J’effectue quelques essais de prise de vue avec les coureurs qui s’échauffent dans le chemin. A priori, cela semble bon. Je n’ai plus qu’à attendre la meute.
9h30, c’est parti. Je me suis placé en haut du chemin pour avoir une vue éloignée du peloton dans ce chemin bordé de haies que l’automne commence à colorer. Je prends quelques clichés et je vais me poster ensuite à l’endroit défini. J’effectue la visée à travers l’objectif. Le peloton étant encore compact, il s’agit pour moi de tirer, euh, de viser dans le tas ! A travers l’objectif, j’aperçois des amis que j’essaie de cadrer. Ça va tellement vite que je les repère plus à leur maillot qu’à leur visage. Beaucoup sourient pour l’objectif, m’adressent des saluts. La plupart affiche une mine rayonnante. Dans trois heures, ce ne sera plus le cas pour un grand nombre d’entre eux ! C’est une partie que je n’aime pas trop, d’une part parce que ça va très vite, je n’ai pas le temps d’ajuster comme je veux et d’autre part je n’ai pas l’objectif adapté à cette situation où il me faudrait un grand angle quoique je travaille dans le sens de la hauteur. Le télé m’a déjà coûté un bras, j’attends un peu avant de mettre en gage mon autre bras pour le grand angle!
J’ai un peu de répit avant le second rush. Les brumes ont comblé le fond des vallées étroites de l’Orne et de la Rouvre. L’air est vif mais la lumière est douce. Peu de bruits mais ce calme est rompu par quelques coups de fusil. C’est l’automne ; dans les haies, des arbustes offrent leurs fruits. Que ce soit pour les cynorhodons au rouge vif ou les nèfles, il faudra attendre les gelées pour les cueillir !
Voilà, il est 10 h. J’entends Marc, l’organisateur, remercier les coureurs pour leur présence et lancer le décompte. Je reprends mon poste ! L’affaire est réglée en quelques minutes. Je m’applique pour les quelques attardés. Tout à l’heure, j’ai vu la dernière du 26 qui avait déjà l’air bien désemparée au bout de 1 000 m !
A partir de maintenant, il faut que je trouve le second point de vue. Là, les coureurs seront isolés ou tout au moins en petits groupes. Je pars sur un chemin montant, la vue est superbe sur la vallée de la Rouvre mais je n’ai pas le coup de cœur. Je continue en obliquant à droite dans un sentier bocager encaissé. Pas de lumière, je continue guettant une éclaircie dans la végétation. Quelques centaines de mètres plus loin, je débouche sur un petit hameau composé de maisons de caractère, toutes fermées en cette saison ! J’effectue quelques prises de vue afin de trouver un bon angle. Hum voilà, une belle pelouse au vert tendre, un buisson de fougères au vert plus soutenu et surtout quelques fleurs jaunes à droite, et au fond, le taillis, tout cela dans un camaïeu de verts qui va servir de toile de fond aux coureurs avec leurs tenues particulièrement chamarrées. Je prête toujours beaucoup d’attention au cadre des photos que je prends pour qu’il soit significatif par rapport à l’identité de la course mais je n’ai souvent pas trop le choix. Là, je suis content de mon spot.
Il n’est pas 10 h 30 que voilà les premiers du 13 ! Là où je suis, j’ai tout le temps de les voir arriver et de prendre mon cliché. J’ai choisi d’être à genoux pour avoir une vue à niveau, en légère contre plongée, la piste par laquelle arrivent les traileurs étant légèrement montante. Je ne vais pas arrêter ici pendant 1 h 30. La plupart des coureurs savent qui je suis ou tout au moins pourquoi je suis ici. Aussi, ce sont des signes de mains, des sourires, des visages qui s’éclairent le temps de la photo, voire des pitreries mais d’autres gardent le masque concentré. Il n’y aura pas de visages déformés par la souffrance comme j‘ai vu quelquefois, les distances de ces courses nature sont modestes.
10h52, les premiers du 26 au dossard rouge se mêlent aux autres coureurs au dossard vert. Leur concentration, tendus qu’ils sont dans leur performance, contraste avec la décontraction des coureurs « verts » qui, à ce niveau de la course, ne sont là que pour la balade. Ils se différencient même par leur équipement qui se résume à une simple gourde ou pas ! Les autres auront plus l’attitude de warriors avec gilet porte-truc et camelbak.
Les coureurs se succèdent, chacun dans sa course. « Qu’est-ce qui s’exprime dans le corps mobile ? Quelle transcendance s’attache à la course ? Quelle vision du monde ? » (Guillaume Le Blanc - Courir, méditations physiques/ Flammarion 2012). Vont-ils voir ailleurs s’ils y sont ? Toujours est-il que je me fais voyeur de leur quête. Je suis toujours attentif à l’attitude des coureurs. Il m’arrive de demander à certains l’autorisation de les photographier les voyant désemparés. D’autres me font signe de ne pas les prendre. Il m’est arrivé une fois sur une petite course de me faire gifler par une coureuse ! Pas vraiment compris pourquoi !
Soudain un coureur, l’air affolé, me demande où se trouve l’arrivée ! Je ne percute pas sur le coup et lui indique la continuité du chemin. Mais le voilà qui revient ! C’est le second du 26 km qui s’est égaré à 200 m de l’arrivée et qui s’est enquillé la deuxième boucle du huit. Il est à plus de 1 500 m de l’arrivée, cela lui fera un malus de 3 km, hélas pour lui. D’autres seront victimes de l’imprécision du balisage et du manque de signaleurs, état récurrent sur cette épreuve malheureusement.
Bientôt midi, les vététistes ferment la marche. Je les prends en photo, il n’y a pas de raison ! Je rentre vers le site de l’arrivée. Le vent s’est levé, il est glacial. Comme prévu, je me poste face au site de la roche d’Oëtre d’où débouchent les coureurs. Comme les années précédentes, l’endroit est vide de signaleurs et il faut être attentif pour tourner à gauche, et non à droite comme le malheureux concurrent de tout à l’heure. Mais comment être lucide après tant d’efforts ! A plusieurs reprises, je vais en rappeler certains prenant la mauvaise direction. Pendant que je prends des photos, des coureurs arrivés viennent bavarder avec moi mais cela me déconcentre. Ici, je suis moins à l’aise pour prendre mes photos. Les traileurs émergent donc du chemin pour tourner à gauche et aussitôt tourner à droite pour venir vers moi. Là encore, mon objectif n’est pas adapté pour une bonne prise de vue, trop peu de temps pour cadrer comme je veux. Enfin, je réalise quelques bons clichés mais il y aura beaucoup de déchets ! L’air froid me glace la tête si bien que je mets ma capuche pour me protéger. Des coureurs égarés viennent de la droite ! Il y en a même un qui arrive dans mon dos !!! C’est un peu la pagaille !
13h16, dernier cliché ! Je vais voir Marc pour lui signaler ce problème de balisage que je lui avais déjà indiqué voilà 2 ans. Je revois Jean-Paul du club très fier de sa première place en V2M mais il m’indique qu’il y a beaucoup de contestations dans les classements. Effectivement, certains n’ont pas couru tout le parcours ! C’est dommage. Je regagne ma voiture pour rentrer sur Alençon. Le travail n’est pas terminé. J’ai réalisé 1 870 clichés.
Arrivé à la maison vers 15h, je m’installe aussitôt à l’ordinateur pour charger les photos. Il s’agit pour moi d’opérer une sélection : j’élimine bien sûr les photos floues, les mauvais cadrages. Reste le plus difficile. Comme j’ai pris en rafale, entre 3 et 6 photos, il me faut choisir les meilleurs clichés. En principe, j’en garde 2, quelquefois 3 quand je n’arrive pas à choisir ! Je veille à l’expression, à l’attitude, je choisis toujours une foulée montante pour que le coureur soit en élévation. Il me faut près de trois heures pour effectuer ce travail. Ensuite, je compresse les 1 018 images sélectionnées, de 6 Mo à 150 Ko, avant de les envoyer à Wihl, le webmaster de NCAP, le but étant de donner aux coureurs un souvenir de leur course. Si certains souhaitent les originaux, ils en font la demande, c’est gratuit. Mes photos seront en ligne vers 22 heures. Ce dimanche, six courses normandes auront été photographiées par les photographes de NCAP, soit 6 206 photos en ligne le soir !
Merci à tous.
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6 commentaires
Commentaire de vinch64 posté le 17-10-2012 à 11:38:07
Bravo et merci Mustang pour ce compte-rendu vu de l'autre côté de la lorgnette!
Encore une fois, ça sera l'occasion pour moi de féliciter et de dire merci à tous les photographes de NCAP.
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 17-10-2012 à 15:31:21
T'es devenu un notable de la course à pied !
A propos de la course, as-tu entendu parler des frelons qui ont attaqué les coureurs ?
Merci à toute l'équipe de NCAP.
Commentaire de la panthère posté le 17-10-2012 à 15:44:24
elles sont belles, tes photos.....
Commentaire de francois 91410 posté le 17-10-2012 à 23:17:50
de bien beaux clichés en pleine action, en plus ils ont l'air contents d(en ch*** Bravo pour le temps passé, je suis toujours admiratif de la passion perceptible et véhiculée sur ce site NCAP !
Commentaire de robin posté le 18-10-2012 à 14:03:26
ah l'autre !
je constate que les frelons t'ont épargné. C'est vrai qu'ils ont de bonnes idées en Normandie.
Commentaire de RogerRunner13 posté le 18-10-2012 à 15:39:43
Belles photos, ils en ont de la chance d'avoir un photographe comme toi......
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