Par Mustang - 14-09-2015 19:11:01 - 6 commentaires
Une campagne française
Pour le premier vendredi de septembre, j’ai programmé à nouveau une sortie longue en vélo bien que la météo annonce un temps plutôt mitigé. Il s’agit avant tout de « faire passer » la journée du jeudi au centre Jean Bernard !
Ce sera cap au Sud ! Je prévois dans une première partie de suivre l’itinéraire du raid que j’avais parcouru dans la nuit du 19 avril 2008 lors du relais UFO Ultra Méga Toff / Sées-La Bazoge. Il s’agit pas pour moi de revivre une épopée, je ne suis pas dans une démarche proustienne, à raviver des souvenirs pour les revivre à nouveau. Non, ce qui a été vécu est révolu, les souvenirs sont bien là, magnifiés sans doute, mais il me plaît de superposer parfois de nouvelles impressions sur des anciennes en des mêmes lieux, peut-être pour prendre la dimension du temps écoulé, mais aussi de saluer ces lieux comme on salue un vieil ami. Ainsi, chaque fois que je passe sur l’autoroute au sud de Valence, je ne manque pas de jeter un regard amical vers la silhouette particulière des Trois Becs.
La route que je suis est parallèle à la N138, en bien plus calme ! C’est une petite route sympathique qui ondule à peine dans la campagne sarthoise ; ce n’est plus un bocage mais pas encore des opens fields, paysages que l’homme a modelés pour l’agriculture et l’élevage. Passé les carrières des Noës, je dégringole vers Oisseau-le-Petit. A un carrefour, un fanum marque la présence d’une ville gallo-romaine de grande importance. Elle git sous les champs en attendant les archéologues du futur, après avoir subi des fouilles au XIXe siècle, plus orientées vers la recherche de trésors que vers l’exploration raisonnée d’un site remarquable. Au nord-ouest, sur une colline bordant cette plaine, l’oppidum gaulois de St-Evroult indique la valeur que les hommes autrefois accordaient à ces lieux de passage. Non, je vous ne dirai pas que je suis venu sur le site du fanum avec mes élèves dans la cadre d’un projet pédagogique en compagnie d’un archéologue alors que le site était en phase de restitution et qu’un élève avait trouvé dans un tas de déblai une pièce romaine !
Sur la route, je croise un couple de vieilles personnes occupé à ramasser des mûres dans les haies généreuses. Voilà une activité qui se perd. Pourtant, c’est si facile de récolter ces fruits charnus et d’en faire de délicieuses gelées ! A la maison, nous en sommes à plus de 40 pots confectionnés par mon épouse ! Passé Fyé, je coupe la départementale qui conduit à La Hutte pour emprunter une charmante petite route. Les odeurs suaves d’une peupleraie assaillent mes narines, vite remplacées cependant par celles plus tenaces, émanant des chaumes d’un champ de colza. Personnellement, je n’ai aucune répugnance pour les odeurs fortes de la campagne, comme celles du lisier que les agriculteurs répandent en cette saison sur leurs champs.
A la même heure, hier, je m’installais sous la première machine de la journée pour un nième scan. Cette fois, l’infirmière a été particulièrement brusque pour placer une voie dans mon bras gauche. Examen tranquille par un appareil que je connais bien. Juste le ronflement de la machine en rotation, pas le bruit infernal de l’IRM ! La machine la plus étonnante à laquelle j’ai eu à faire a été le cyberknife à Tours, il y a 3 ans. J’avais eu l’impression d’être sur une chaîne de montage automobile avec un robot effectuant des points de soudure sur la carrosserie ! A chaque séance, voir ce bras articulé qui virevoltait autour de moi provoquait en moi l’admiration pour le génie humain qui avait conçu une telle machine, même si le résultat fut négatif par la suite. Je file au 3e étage où une charmante infirmière me prend en charge pour une prise de sang dans le bras droit car j’ai gardé la voie du bras gauche pour la suite ! Va pour 12 tubes ! Puis j’ai droit un questionnaire car je vais suivre un programme particulier avec suivi quotidien par Internet ! Je redescends au 2e pour l’injection d’iode en vue de l’examen de l’après-midi. Je blague avec l’infirmière sur le bon repas du midi que je me promets de faire en attendant l’examen.
Après un petit bois, la route descend en pente douce vers la Sarthe que je franchis au Gué-Lian par un vieux pont. La rivière s’écoule paresseusement entre ses sept arches. Des barques amarrées sont autant d’invitations à la flânerie au fil de l’eau. Je me retrouve sur une départementale où la circulation va m’inciter à la prudence. Dans le virage je jette un œil à la Commanderie. Quelques kilomètres plus loin, je prends la direction à droite d’Assé-le-Riboul. Là encore, la simplicité des paysages m’enchante. Tout m’émeut (!). Près d’une ferme, un bâtiment circulaire que d’aucun prendrait pour une tour ou un pigeonnier est le vestige architectural d’une activité agricole dont la région s’était faite la spécialité autrefois, la culture du chanvre. Il s’agit donc d’un four à chanvre. Le chanvre demeure une culture locale, ici, dans le nord-Sarthe et le Saosnois. Et fin août, les effluves se dégageant des hautes plantes sont loin d’être anodines ! J’arrive à St-Jean d’Assé, petit village plein de charme. Je poursuis mon périple vers La Bazoge. Sur ma droite, Notre-Dame des Champs, les coquilles St-Jacques fixées sur des poteaux téléphoniques en sont les balises pour qui souhaite y faire halte. J’attends avec impatience d’arriver à un endroit particulier, c’est celui que j’aperçois depuis l’autoroute, en bordure de la forêt, c’était la dernière difficulté de notre périple UFOeste : une petite côte de rien du tout ! J’y suis ! Plaisir de retrouver une vieille connaissance. Je me laisse glisser vers l’étang au bord duquel je compte me restaurer.
Hier, après l’injection, permission de deux heures pour le repas de midi. Mireille et moi avons nos habitudes dans un restaurant place de la République. Le soleil est bien présent mais il joue à cache-cache avec des nuages, nous nous installons cependant en terrasse. Nous commandons le menu du jour. Après l’entrée, je m’attaque au plat de poisson commandé, une tranche d’espadon avec une sauce assez banale à l’oseille. Peu importe, le moment est superbe. Nous discutons tranquillement. Soudain, mon attention est attirée par un groupe de personnes assis sur les marches de la Poste Centrale, à une vingtaine de mètres de nous. Mireille n’en voit rien puisqu’elle leur tourne le dos et ils sont face à moi. Une jeune homme se lève et brandit en direction des passants une mitraillette ! Stupeur ! Je sais que l’arme est certainement factice à cause de l’attitude rigolarde du groupe. Il n’y a pas de réaction particulière dans la foule, pas de cri ! L’arme est fausse certes mais il n’en demeure pas moins que le geste est vrai, sa réalité insoutenable, monstrueuse ! L’homme continue à faire le fanfaron avec son arme pendant encore quelques minutes. Puis la police débarque : de nombreux policiers avec des gilets pare-balle, certains la main sur leur arme à la ceinture, se précipitent sur le groupe. Pas de violence, le groupe est rapidement embarqué dans les véhicules de la police. Nos voisins de table ont perçu l’agitation, sans plus. Je ne peux pas dire que la place retrouve son calme puisqu’en fait il n’y a pas eu d’agitation particulière comme si cet incident n’avait jamais existé. C’en est des plus troublants.
Après mon repas, je traverse La Bazoge pour prendre la direction de la Chapelle-St-Fray. Nous sommes proches du Mans. De nombreux pavillons, certains particulièrement cossus, jalonnent la route. Après la forêt, la route me conduit vers le village perché sur une colline. Comme j’entre dans le bourg, je perçois des bruits familiers : ce sont les cris des enfants dans la cour de récréation de l’école du village. Ils vont bientôt rentrer en classe. En passant devant la cour, j’ai la vision étonnante d’une petit fille habillée d’un gilet de laine comme on n’en fait plus maintenant, appuyée contre un tilleul qui observe les autres avec ce regard désespéré lorsqu’on se sent rejeté, ce regard que j’ai souvent observé dans mes cours de récréation !
Le pays se vallonne, devient plus bocager, ce qui n’est pas pour me déplaire. A chaque arrivée en haut d’une côte, comme la victoire d’être arrivé jusque-là, j’ai la vision d’un paysage agreste qui porte à la sérénité. A Neuvillalais, les enfants ne sont toujours pas rentrés en classe ! La cour est remplie de cris joyeux, pas de petite fille au regard triste !
14h, je suis dans le couloir en attendant que la place se libère. Je suis invité à patienter dans la cabine attenante à la salle d’examen. C’est le moment qui m’insupporte le plus. Je m’y sens déshumanisé. Une chaise, une patère, rien d’autre. Ah si, dans celle-ci, un petit miroir ! Parfois, l’attente est longue. Je m’y morfonds, entendant les injonctions des opérateurs. Pour une fois, c’est rapide. Je retrouve mon infirmière et lui raconte mon bon repas ! Je m’allonge. La masse grise du bloc s’approche de mon visage. J’en ai pour vingt bonnes minutes. La machine prend son temps pour parcourir la distance qui va de ma tête à mes pieds ! J’en profite pour sommeiller ! L’opératrice goguenarde me réveille ! Je rejoins la cabine où je me rhabille et attends dans le couloir de rencontrer le radiologue. Quelques minutes plus tard, celui-ci m’invite dans son bureau. Mon épouse nous rejoint. Il étale devant nous la scinti que je viens de passer, en regard de la précédente. Je n’ai pas besoin de ses commentaires. La vision des taches noires qui ont gagné en dimension par rapport à la dernière fois est suffisamment éloquente. Je n’ai pas d’émotion particulière à leur vue, je les regarde calmement. Je me suis mieux préparé à cet instant que l’an dernier où le tep-scan m’avait fait ressembler à un sapin de Noël tant il y avait de points illuminés ! Le radiologue se croit obligé de m’indiquer qu’il y a de nouveaux traitements pour ma situation. Je n’en doute pas !
Je continue mon périple en traversant des villages que je ne connaissais pas : Crissé, Pezé-le-Robert. Je prends la direction de Montreuil-le-Chétif. Ah, le charme dégagé par les noms de ces petits villages français ! Là, les affaires se corsent. Ne reculant devant aucun effort, j’entreprends l’ascension qui me mène au col de la Source à l’altitude de 235m dans le bois de Pezé, appendice de la forêt de Sillé-le-Guillaume. J’ai la musique d’Agnès Buen Garnas pour m’accompagner dans cette ascension. Le sommet en vue, l’inscription sur le bitume « ouf ! » me fait sourire. Dur de monter, mais plaisir ensuite d’une longue descente dans la forêt ! Les pluies récentes ont fait sortir les champignons. Les voitures des ramasseurs encombrent les entrées des allées. Douillet, Sougé-le-Ganelon puis Assé-le-Boisne sont les villages suivants que je traverse. Le dernier est particulièrement pittoresque avec de belles demeures de pierre. Un commerce attire mon attention, c’est un café-quincaillerie ! Rien que pour lui, faites le voyage d’Assé-le-Boisne !
J’attends que le car jaune de ramassage scolaire de la Sarthe ait fini de manœuvre sur la place pour rejoindre la route de Gesnes-le-Gandelain. Alençon est en vue. Je termine ma sortie du jour de 120 km au magasin de sport du copain-entraineur. J’y retrouve des athlètes de mon club. On papote, on papote mais il y a des clients !
Le dimanche suivant, longue sortie trail de 20 km en forêt pour s’achever comme il se doit, au bar de Radon avec tous les copains.
Elle n’est pas belle, la vie ?
Z
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6 commentaires
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 15-09-2015 à 14:15:02
Mais oui, notre marche à la limite de la Normandie et du Maine est bien belle. Et ton histoire aussi...
Commentaire de robin posté le 16-09-2015 à 10:17:23
Yes ! des news du Mustang ! Dis tonton Mustang tu nous racontes bientôt une autre histoire
Commentaire de philkikou posté le 17-09-2015 à 07:01:03
Après ta mise en examen, tu as pris la clé des champs pour une échappée belle ... j'avais l'impression de voir les paysages et les villages tellement s'est bien écrit ...
Commentaire de Quetzal posté le 17-09-2015 à 13:56:20
Notre environnement proche est une richesse et les petites détails de notre quotidien sont essentiels pour ressentir et apprécier la vie,qu"elle soit du passé ou du futur.Un beau billet,Mustang c'est On the road again...
Commentaire de Arclusaz posté le 17-09-2015 à 16:01:45
t'es vraiment un costaud ! et un sacré narrateur.
Commentaire de philtraverses posté le 19-09-2015 à 21:10:09
Encore un très beau texte où présent et passé se mêlent.C'est toujours un plaisir. Sinon, j'espère que la petite fille dans la cour de récré a pu vivre aussi sa vie..
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