Par Mustang - 19-08-2015 17:01:58 - 5 commentaires
Balade hiesmoise
Ce lundi 17août, le temps est un peu chagrin toutefois j’ai programmé une sortie vélo un peu longue. Je me sens bien, alors autant en profiter ! En panne d’inspiration et pour changer de la dernière fois où j’avais mis le cap vers le sud, là ce sera plein nord ! Sortie longue, donc ravito et eau en conséquence. Sous le maillot, je mets juste un petit débardeur fin et des manchettes pour les bras. Ce sera un peu juste pour le matin avec les 16° mais plus couvert, j’aurais été gêné ! Je prévois toutefois un coupe-vent sans manche dans le sac. Je traverse Alençon par les boulevards. A la Pyramide, grand rond-point névralgique, un van me grille la priorité, un peu comme d’hab ! J’ai de bons freins et j’évite de justesse de m’écraser sur la carrosserie du véhicule. Voilà, je file vers la sortie de ville et arrive sur la route d’Essai. C’est une route très agréable dans la plaine, route filante que j’affectionne en retour de balade. Mais, là, ce sera pour me mettre en jambes pour la journée. Sémallé, Larré, Menil-Erreux sont les premiers villages traversés, simples villages-rues mais que les édiles locaux ont su mettre en valeur ! Après Bursard, la route se courbe dans une légère montée pour atteindre un des plus beaux haras de Normandie, celui de Bois-Roussel. Perfection des bâtiments, perfection des enclos, perfection des perspectives : tout concourt à une harmonie des paysages. Je suis toujours subjugué par cette harmonie que l’homme a su construire.
La route ensuite plonge vers le petit bourg d’Essay. Essay, terre de mes aïeux. Certes, mais pas de réelles racines juste le hasard de nominations administratives. En l’occurrence, il s’agit celle de mon grand-père comme gendarme à cheval. A vrai dire, je ne connais pas vraiment l’arbre généalogique de ma famille du côté paternel. Qui est donc cette grand-mère allemande mariée en 1900 ? Le temps est passé. Je n’ai jamais connu mes grands-parents. Je suis le plus jeune de la famille, enfant tardif d’après-guerre ! Je passe devant le cimetière où arrière-grands-parents, grands-parents, oncles, tantes et désormais cousins reposent. Sur la droite, aux feux, je fais un détour vers le manoir de la Bonnerie.
C’est une belle demeure magnifiquement restaurée avec un jardin exceptionnel créé de toute pièce par l’actuelle propriétaire. L’an dernier, avec mon épouse, nous avions visité ce jardin et j’avais stupéfait notre hôtesse en lui précisant que, sur une photo ancienne mise en exposition dans un appentis, qu’il s’agissait de ma famille ! Autrefois, cette demeure était la gendarmerie du canton. La photo a été prise en 1918 : mon grand-père tient par sa main, à gauche un de mes oncles et à droite, mon père. Après l’Armistice et le traité de Versailles, ma famille ira en garnison dans la Ruhr jusqu’en 1924. Mon père et mes oncles retourneront contre leur gré en Allemagne de 1940 à 1945 !
Je traverse le bourg que les commerces ont déserté. Dommage, il y avait là une boucherie-charcuterie qui proposait un boudin blanc qui faisait la renommée du pays. Je grimpe la côte. Sur la gauche, la petite rue du Moulin à tan où se trouve la maison de famille, celle où mes grands-parents ont pris leur retraite. J’y suis allé quand mon oncle d’Aubervilliers y séjournait. J’en garde le souvenir d’une maison froide, sans âme. Seules mes escapades avec les cousins vers le ruisseau du bas m’enchantaient.
A la sortie du bourg, je prends à gauche la route de Courtomer, longue ligne droite filante ; ça va bien ! En contrebas, dans un vallon, se trouve un circuit de rallycross de réputation nationale. Un peu plus loin, sur la droite, cette fois, il s’agit d’un circuit de karting à Aulnay-les-Bois, lui aussi de même notoriété. Peu importe, je file sur la bonne route pour atteindre les « cinq routes », carrefour emblématique de la région où un café-restaurant-station essence servait de point de ralliement à tous les traine-goudron du coin. Désormais, celui-ci est fermé. Rapidement, j’arrive surCourtomer. A l’entrée du bourg, j’avise une maison, c’était celle d’une lointaine cousine.
Je me souviens d’un mémorable repas de communion alors que j’étais gamin. Nous avions dû sortir de table bien après les 5 h ! Une langue sauce piquante demeure mon seul souvenir gustatif de cette fête. Je ne vais pas pousser jusqu’à l’Ermitage, c’est en dehors du village et pas sur ma route. L’Ermitage, c’est là que vivaient mon oncle Marcel et ma tante Régine. A l’époque, nous n’avions guère d’occasions pour sortir, aussi, lorsque nous allions en visite chez eux, c’étaient de bons moments !
A la sortie, je passe devant le château de Courtomer puis j’attaque une longue pente qui franchit les Monts d’Amain (269m). Petite allure pour admirer le paysage et observer la flore des fossés. En cette saison finissante, l’épilobe de Saint-Antoine, la grande consoude et l’eupatoire à feuilles de chanvre en sont les principaux hôtes. A partir de là, le pays se fait cheval, ce ne sera qu’une succession de haras plus ou moins importants.
J’observe avec attention les prés sur ma droite, essayant de raviver ma mémoire. Mais je ne vais pas retrouver celui qui avait marqué mon enfance. Précisément, lorsque nous allions donc à l’Ermitage, mon père, venant d’Exmes, empruntait cette route. Et sur la gauche, dans ce fameux pré, j’avais la vision d’un enchevêtrement de carcasses rouillées de chars, de camions, d’avions fracassés, entreposées là depuis la dernière guerre ; j’étais fasciné par ce spectacle et certainement troublé inconsciemment par le sort sinistre des occupants de ces ferrailles tordues.
Le pays du Merlerault s’ouvre à moi. Il est passé une heure et je commence à avoir une petite faim ! Juste avant le bourg, un grand bâtiment flanqué d’une tour assez incongrue se dresse en haut d’un tertre, il s’agit du haras de la Soudarderie. Il est en bien piètre état !
Je m’installe sur la place la mairie pour me restaurer. Une des dernières fois où je suis passé au Merlerault remonte à 2009 ; c’était à une occasion bien particulière puisqu’il s’agissait du relais 12.5 Ultrafondus Méga Toff. J’étais en compagnie de Sylvain, il devait être dans les 5 h du matin et avions dans les jambes un peu plus de 50 bornes et il devait en rester une petite quinzaine avant le prochain relais !
Requinqué, je continue mon périple toujours plein nord ! Insidieusement, le paysage se transforme. Une côte me fait quitter la plaine du Merlerault pour pénétrer dans un pays bocager plus vallonné. L’habitat lui-même se modifie, c’est celui du pays d’Auge dont je suis à l’extrémité sud. Les constructions sont en brique, ou en brique et parements de pierre pour les plus aisées, ou en torchis et colombages pour les plus humbles.
J’atteins le carrefour avec la route de Gacé à Exmes. Une fois, mon père, en voiture, y avait écrasé une poule. Trop honnête, il s’était arrêté et avait du rembourser au fermier du coin le volatile écrabouillé. En bord de route, les belles demeures succèdent aux belles demeures !
J’arrive en pays de connaissance puisqu’il s’agit du village où je suis né dans une maison d’école.
J’ai toujours un sentiment étrange quand je pénètre dans ce territoire que le temps a sacralisé. Les images de mon enfance se superposent à celles d’aujourd’hui. Il ne reste plus que des fantômes. Je descends vers le bourg et, soudain, une vision étonnante s’offre à moi. Pas de tôles tordues mais deux chars en parfait état trônent sur la place. Je suis un peu ahuri par ce spectacle. J’en reconnais un, il s’agit du Montereau, un char qui a été restauré et qui est basé habituellement à Alençon.
Je monte à la petite école. Exmes est une belle endormie, ce village possède une richesse patrimoniale exceptionnelle mais il n’a pas encore trouvé de prince charmant pour le réveiller !
A la sortie du bourg, la vue est toujours aussi exceptionnelle sur la forêt en contrebas qui abrite le haras du Pin.
Bonne descente mais un peu frustrant, pas assez de dents à mon grand plateau pour aller plus vite ! Il y a plus d’un mois, ce sont les coureurs du Tour de France qui dévalaient cette petite route. J’arrive sur le territoire du haras de Pin. Sur ma gauche, une très longue allée qui mène à l’hippodrome de la Bergerie et au-delà, j’ai toujours trouvé cette perspective étourdissante pourtant bien que banale.
Au bord de la nationale, dans le virage se trouve le restaurant de la Tête-au-Loup. Il est des lieux-dits au nom évocateur, celui-ci en est un. Cela dit, on y mange très bien pour un coût raisonnable ! Je vais pousser jusqu’au château pour la photo. Incontestablement, ça a de la gueule ! Je redescends prendre la route d’Almenêches. Le quartier est en effervescence, en effet après les championnats du monde de l’an dernier, le site accueille un concours complet international. L’ensemble des installations est particulièrement impressionnant.
Maintenant, c’est un retour tranquille dans un air qui s’est réchauffé, les vaches normandes, les chaumes, Almenêches, Médavy et son château, puis c’est celui d’O, magnifique petit bijou renaissance, visitable seulement les après-midi d’août.
Après Mortrée, sur la route de la forêt, un petit malappris me double avec son VTT trop grand pour lui. De temps en temps, il se retourne pour voir si je le suis ! J’ai près de cent bornes dans les jambes et j’ai encore la côte de la Croix-Médavy à franchir, je ne vais certainement pas m’épuiser à courser cet insolent. Je ne résiste pas au plaisir de photographier le panneau indicateur du village du Cercueil !
2,5 km de côte, j’y vais doux ! Ça passe bien et j’atteins le sommet où trône un autre char, décidemment ! C’est aussi l’arrivée d’une des courses les plus emblématiques de l’Ouest, Alençon-Médavy : 15,6 km, une montée de 4,5 pour finir au milieu de nulle part, en pleine forêt !
Je bascule dans la descente et me fais plaisir à dévaler la route. En bas, je file vers Colombiers et Lonrai. Je regagne Damigny après une sortie de 5 h 20 pour un peu plus de 110 km .
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5 commentaires
Commentaire de benoitb posté le 20-08-2015 à 14:26:57
Merci pour cette sympathique balade commentée : la Normandie est belle, et les souvenirs d'enfance nous rappellent que le temps passe !
Commentaire de Jean-Phi posté le 20-08-2015 à 16:33:16
Superbe récit, superbes photos, j'aime beaucoup. Tu vis dans une très belle région. Le vert fait du bien à mes petits yeux de citadin bitumé.
La nostalgie est assez magique, elle fait souvent passer les kilomètres plus vite mais rappelle trop souvent aussi la fugacité du temps qui s'enfuit. Merci pour avoir partagé tes souvenirs.
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 20-08-2015 à 18:01:19
Je lis ce billet sur le bord de l'Aber Wrach, ça rend ton récit exotique.
Commentaire de philtraverses posté le 22-08-2015 à 11:01:35
Encore un beau travail de mémoire, où les paysages, comme la madeleine de proust, appellent les souvenirs. Et tout ça en faisant du sport !!
Sincèrement, tu es le Marcel Proust de kikourou et c'est vraiment bien écrit
Commentaire de philkikou posté le 25-08-2015 à 06:40:40
Belle balade velocipedique, avec un coup d' œil dans le rétroviseur...
A vélo il faut toujours être vigilant au comportement des voitures pour essayer d'anticiper certains comportements irresponsables et dangereux...
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