Par Mustang - 13-08-2008 18:38:20 - 6 commentaires
En tant que rédacteur en chef ( comme je suis le seul à m'en occuper, autant se donner du titre ronflant) du mensuel "Dépêch'A3", magnifique gazette mensuelle qui tire à 120 exemplaires ( abonnement internet gratuit sur demande), j'ai, par le passé, interviewé quelques champions!!!
Je vous livre l'interview de Dominique Chauvelier que j'ai réalisé le 10 mai 2006 - Il conserve son actualité!
J’avais lu dans VO2, il y a quelques mois, un article dans lequel on affirmait que tu considérais les coureurs d’ultra comme des bœufs; qu’en est-il vraiment ?
Le pire est que VO2 a repris cette affirmation sur le Journal de la Confédération qui avait repris ça sur Ça m’intéresse et, à chaque fois, personne n’a cité les sources. C’est particulièrement imprudent ! A la rigueur, ils se prenaient un procès sur le dos !
Donc, un journaliste de Running Attitude, que je connais très bien, m’interviewe. Et lui, je peux te dire qu’il est anti-coureur ultra machin ! Il me demande mon avis sur le cent bornes. Je lui réponds en comparant l’entraînement du cent bornes à celui du marathon quand, toi, tu as trois fois 5 000 à faire et, eux, ont une sortie de 40 bornes à faire, qu’il pleuve, qu’il vente, il faut y aller, il faut être un peu bœuf, on se pose pas de questions, on y va ! Mais ce journaliste a résumé le début de la phrase les coureurs de cent bornes et la fin de la phrase sont des bœufs.
Après, on passe aux courses de 24 heures; Il me demande ce que j’en pense. Je lui dis que les courses de 24 heures, ce n’est pas de l’athlétisme dans la mesure où l’athlétisme, pour moi, se déroule dans un stade. Eventuellement, le marathon dont l’arrivée se fait dans le stade quand il s’agit d’une épreuve olympique, c’est encore de l’athlétisme. J’ajoute que, dans la course à pied, il y a plein de familles:: le trail, les courses de montagne, le cent bornes et lui, a résumé, courir à 11 à l’heure, ce n’est pas de l’athlétisme! Alors là, tout le monde m’est tombé dessus !
Les courses de cent bornes, pour moi, cela fait partie de la famille de la course à pied sans pour autant que ce soit considéré comme de l’athlétisme pur ! C’est comme si on allait dire, pour les sports de balle, qu’il y aurait une fédération des sports de balle avec le volley-ball, le foot-ball, le hand-ball. J’ai rien contre le cent bornes ! La preuve est que, pendant cette polémique, j’entraînais un coureur de cent km qui a gagné à Chavagne, l’an dernier. J’ai pris des filles de l’équipe de France de cent km comme meneurs d’allure au Marathon de Paris. J’ai failli en faire moi-même.
J’ai été très déçu de la réaction des gens qui se sont déchaînés contre moi. Il y en a très peu qui se sont posés la question de savoir si j’avais bien dit ça ! « C’est écrit donc tu l’as dit ! ». Cela montre le peu d’ouverture d’esprit dont font preuve certains! Récemment, au Marathon de Paris, Guyomarch de l’équipe de France de 24 heures m’a pris à partie:
« Des mecs qui écrivent ça, je leur mets mon poing sur la gueule !
-Tu parles de quoi?
- De l’article que tu as écrit…
- Que tu as lu. Pas que j’ai écrit !
- Ben oui, tu as dit ça..
- Je n’ai jamais dit ça… attends, ne t’énerve pas comme ça, je vais t’expliquer... »
Et je lui raconte ce que je viens de te dire. Pour être coureur de cent bornes, il faut avoir du caractère, il faut être un peu bœuf. Parfois, je me le dis pour moi! Ce gars avait du mal à comprendre. Alors là, je lui dis que j’avais un bœuf devant moi, alors qu’il fait partie de l’équipe de France de 24 heures, il n’avait aucune réflexion, aucune analyse, de recul. J’ai découvert à cette occasion, un milieu un peu à part, un peu fermé ! Ils sont moins ouverts que les autres. A aucun moment, ils ont eu l’ouverture d’esprit pour se dire, oui, c’est vrai, il y en a parmi nous qui courent en 12 heures, 14 heures, 15 heures. Dans mon démenti que j’ai publié, je disais qu’au marathon de Paris, la moyenne des 30 000 coureurs est de 11 à l’heure ! Donc je n’ai rien contre les coureurs qui courent à 11 à l’heure!
Pour moi, donc, être un peu bœuf, c’est avoir du caractère !
Que penses-tu des courses ultra comme l’UTMB? La Transgaule? Ne crois-tu pas qu’il y a un peu de surenchère?
C’est de l’aventure humaine ! C’est exactement pareil pour le gars qui fait de l’alpinisme, qui fait des 8 000. On pourrait mettre ça dans la même famille, ce sont des défis personnels. C’est vrai, peut-être, que certains d’entre eux ont peu de qualités pédestres, incapables de faire un 1 000 m en moins de 4 mn par exemple. Mais, le principal, c’est le défi qu’ils se lancent eux-mêmes en courant, en marchant, en faisant cent bornes, de faire l’ultra-trail du Mont-Blanc, de faire l’Everest. C’est bien, c’est la force de caractère qu’ils ont; ils ont peut-être des qualités moyennes au départ mais une grosse force de caractère.
Et toi, tu t’intéresses de plus en plus au trail?
J’étais du côté de l’élite, en matière de chrono, toujours à chercher à battre des records, 2 h 11 au marathon, les semis, .. Maintenant, j’ai cinquante balais. Alors, les marathons, je les fais fun et, au moins, je sais que je vais tenir jusqu’au bout. Donc, le trail est bien car tu n’as pas le souci du chrono. C’est un stress énorme en moins que de ne pas avoir le chrono. Si c’est trop dur, tu marches, après tu vas plus vite… C’est une philosophie, il ne faut pas parler de performance pure. Le trail me change
complètement après avoir fait du haut niveau, de la performance pure. Chaque trail est différent: il y a des trails de 20 bornes, de 30 bornes, des durs, des pas durs. On voudrait faire une hiérarchie, on n’y arriverait pas.
Que penses-tu de l’affirmation comme quoi les trailers sont moins performants que les pistards ou coureurs sur route?
Non, je ne le pense pas. Dans beaucoup de régions, notamment en montagne, beaucoup de jeunes courent des trails. Ainsi, j’ai connu un jeune de 25 ans qui travaille chez Adidas. Il court des trails. Je l’ai vu courir et il court bien. Il n’a pas du tout l’idée de courir sur route. Il n’a pas été éduqué dans cet esprit. Il fait ses courses de montagne, des trails. Beaucoup de jeunes n’ont pas du tout envie de courir sur route, de faire des semis. Autrefois, on disait cela pour le marathon: le marathonien, c’était le mec de 36 ans qui n’était plus bon sur piste et qui s’est mis sur marathon. Maintenant, on dit déjà moins ça, pareil pour le cent bornes, certains le disent aussi: c’est celui qui ne peut pas s’exprimer sur le marathon qui se rabat sur le cent bornes. Après le cent bornes, il court un 24 heures ! On n’en finit plus !
L’idéal, c’est de faire un peu de tout; pour le coureur qui n’est pas trop élitiste, un coup, il se fait son petit marathon, ensuite, c’est ce que je conseille, il se fait, un mois après, un trail avec la préparation de son marathon. Il fait son trail sans se prendre la tête. En fin de saison, s’il veut se faire un cent bornes, il fait un cent bornes ! Et s’il veut terminer par un semi, il termine par un semi! L’évolution de la course va aller vers ça.
N’est-ce pas déconseillé pour un jeune de faire un trail ?
Non, je ne crois pas! C’est un peu comme pour moi, quand à 23 ans, j’ai commencé à faire des marathons à une époque où tout le monde en faisait à 36-37 ans. On me disait, t’es fou de faire des marathons à ton âge, tu vas de cramer! Tu ne vas pas durer longtemps. Tu parles, j’ai cinquante ans ! Trente ans après, suis toujours là ! Non, c’est la qualité de l’entraînement et la récupération après les épreuves qui sont importantes. C’est l’excès qui est mauvais comme faire 5 marathons ou 10 trails dans l’année.
Non, il faut absolument enlever cette idée ! Tu fais un trail et tu récupères 10 jours et, derrière, tu fais une séance un peu plus vite pour te redynamiser, des 400 par exemple. C’est l’entraîneur qui parle mais je vois les choses comme ça !
Les trailers sont des gens qui se font plaisir. Le trail, c’est la découverte de la nature, de certaines régions.
Pour conclure?
Dans les marathons, je vois les émotions qui se dégagent. Ainsi, un coureur qui fait 3 h 59’ 50, il a fait moins 4 h, il est champion olympique ! Tu le vois, les larmes à l’œil… Je trouve ça très beau !
Le haut niveau, j’en suis revenu.. Dopage, machin … Je me sens beaucoup plus à l’aise à un niveau en-dessous, qu’avec les athlètes !
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6 commentaires
Commentaire de L'Castor Junior posté le 13-08-2008 à 21:38:23
Merci Philippe : je viens enfin de comprendre, jeune premier que je suis, la signification du "fil des boeufs" sur le forum de Bruno Heubi ;-))
Son point de vue, quoique bourré d'incohérences, est intéressant, et le personnage semble avoir un caractère bien trempé !
Commentaire de BENIBENI posté le 13-08-2008 à 23:20:30
On doit toujours tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant d'ouvrir son clapet, c'est memere qui l' a dit...
Commentaire de shunga posté le 14-08-2008 à 08:45:43
Les journalistes c'est comme les prof... mince, sept fois a dit la memere à Benos. 2.3. Les journalistes c'est comme les flic... 7 on t'a dit shunga. Oups. 4567. Yes !
Les journalistes c'est comme mémère, faut faire attention à ce qu'on dit, ça répète n'importe quoi à n'importe qui.
Mais oui je généralise et alors ?
Très intéressant ceci dit. Je suppose qu'il n'y a pas vraiment de vérité à la question.
Commentaire de Bambi posté le 14-08-2008 à 09:50:55
m'en fous royalement d'être un boeuf (faon-boeuf-vachette ça le fait non ?) ou ne pas faire de l'athlétisme tant que je peux courir, courir et encore courir !
Commentaire de TomTrailRunner posté le 08-07-2010 à 01:47:32
Merci Philippe : très instructif ... et très humain
Commentaire de Le Loup posté le 08-07-2010 à 15:09:51
meuuuuuuuuuh...
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